Réseau Muela - Tejuelo

Torca de Riañón (n°751)

Développement : 3526 m
Dénivellation : - 534 m

 

L’alto de la Muela est un petit sommet arrondi culminant à 1034 m d’altitude et occupant une place centrale entre la Porracolina (1414 m) et l’alto del Tejuelo (940 m). Pour les promeneurs venant des vallées du Miera ou de Bustablado, cette montagne constitue un obstacle que l’on contourne sans jamais chercher à en gagner le sommet. Son relief plutôt arrondi et ses pentes où alternent éboulis et landes épineuses n’attirent pas vraiment l’œil. Bref, on l’aura compris, la Muela présente un caractère insipide comparé à ses deux voisins qui offrent les plus belles formes de paysages karstiques que l’on peut imaginer.

Situation

Les 2 entrées de la torca del Rianon sont en harmonie parfaite avec leur environnement immédiat. La première (751b) se dissimule derrière une lame de roche envahit par des ronces tenaces. La seconde (751a), tout aussi discrète, est couverte par quelques dalles vraisemblablement disposées par les bergers. Toutes deux s’ouvrent sur le versant ouest de la Muela, dans le cirque de Rianon, une trentaine de mètres au-dessus du sentier de Bernallan. Le meilleur chemin pour accéder au gouffre consiste à emprunter la nouvelle piste qui, de Calseca (San Roque de Rio Miera), rejoint l’antenne de La Piquera. Un kilomètre avant celle-ci, terminus de la route, il faut repérer à droite le sentier bien marqué qui rejoint le flanc de la Muela. Celui-ci franchit un premier col (maison) puis longe à flanc de coteau le cirque de Riañón avant de rejoindre plus loin le col de las Pasadas. Au fond du cirque, il faut monter à travers la lande pour gagner les insignifiantes barres rocheuses dans lesquelles s’ouvrent les deux entrées de la torca.

Coordonnées UTM 30 (ED 50) :
X = 444,839 ; Y = 4789,356 ; Z = 872 m
Commune : Ruesga

Description

Les puits d'entrée:

Séparées d'une quinzaine de mètres seulement, les deux entrées du gouffre de Riañón sont aussi insignifiantes l'une que l'autre. Celle portant le numéro « 751a » paraît la plus évidente (1,50 m x 1,00 m). Quelques blocs coincés entre des rochers masquent un premier ressaut de 5m. Au fond, une courte escalade permet de gagner une lucarne tapissée d'une épaisse couche de mondmilch gluant. Derrière, un puits de 5 m communique avec le réseau. Sans doute par souci de propreté et à cause des éboulis branlants qui jalonnent ce dernier puits, nous avons toujours préféré utiliser l'autre entrée baptisée 751b. Celle-ci se cache derrière une lame de lapiaz envahie de fougères et de ronces. Un boyau pentu mène au premier puits bordé de mondmilch (P.6). Rapidement, les dimensions deviennent plus attrayantes. À sa base, un second puits lui succède ne laissant pratiquement pas le loisir de quitter la corde. Ce dernier profond de 34 m se dédouble de -3 m à -10 m. À cette profondeur, il est facile de repérer l'arrivée du 751a au niveau d'un large palier ébouleux. La descente s'effectue désormais dans un conduit confortable 2 m x 3 m, hérissé de lames hautes de plusieurs mètres (puits des Lances). A - 45 m il se prolonge par un méandre vertical (P.9) qui aboutit rapidement au sommet d'un nouvel à-pic (31 m). Celui-ci recoupe une grande fracture (direction N45°) où semblent converger de nombreux autres puits. A -85 m on rencontre un premier niveau de galeries qu'il est possible de suivre sur une vingtaine de mètres jusqu'à des bases de puits. Par un petit soupirail dans lequel s'engouffrent le courant d'air et un petit ruisselet, on rejoint un puits gréseux de 5 m qui débouche dans une galerie confortable. A partir de là, deux itinéraires permettent de rejoindre la partie aval du réseau: une galerie fossile (réseau du Gibolin), complexe et peu commode, et une rivière au parcours agréable et rapide (rivière des Intrus).

Le réseau du Gibolin

De la base des puits, il suffit de traverser la petite salle qui lui fait suite pour rencontrer un boyau glaiseux dans lequel s’enfile le courant d’air. Il constitue la suite la plus évidente du cheminement. Après 20 m de ramping, on accède à un conduit plus praticable (2 x 3 m), la galerie du Gibolin. Sur la gauche une première galerie, rejoint un méandre par un ressaut de 4 mètres. Au bas de ce dernier, on peut rejoindre à nouveau la rivière des Intrus par un petit puits débouchant à l’aplomb même du cours d’eau. Une autre branche (amont) se termine prématurément sur une trémie. Juste en face de la sortie du boyau cité précédemment, on trouve une grosse trémie qui masque probablement l’accès à l’amont de la galerie du Gibolin. En aval, la progression se poursuit dans une galerie basse encombrée de remplissage. Une vingtaine de mètres plus loin, il faut contourner un puits de 13 m puis remonter de quelques mètres pour atteindre la suite du réseau, située derrière un gros bloc. Globalement, celui-ci suit une faille (E.S.E. – W.N.W.) qui est sans doute à l’origine de la trémie en amont de la galerie du Gibolin et du puits de 13 m. D’ailleurs, dans ce dernier, on peut en mesurer le décrochement soit environ 3,5m. Plus loin, un nouvel élargissement se présente au niveau d’un soutirage dans le remplissage. Puis, rapidement on retrouve une morphologie plus méandriforme. Il devient alors nécessaire de progresser à quatre pattes car le remplissage formé de galets gréseux, d’argile et de sable occupe une bonne partie du conduit originel. Les diverticules sont nombreux et il faut parfois chercher pour trouver le meilleur passage. À environ 200 m de la base des puits, la galerie reçoit un affluent important en rive gauche : la galerie Tenardier. À partir de cet endroit, la voûte se redresse un peu et on circule désormais au-dessus d’un petit actif en partie responsable de la disparition de certains remplissages. Après quelques circonvolutions, celui-ci se jette dans un petit puits de 6 mètres. Sa base est occupée par un talus d’argile, mais derrière ce dernier on débouche dans une galerie ébouleuse beaucoup plus importante (l = 4 m ; h = 6 m). Creusée à la faveur d’une fracture nord-sud, ce conduit semble se prolonger en amont (nord) par une vaste cheminée dont l’escalade reste à faire.

rianon

Dans l'amont de la rivière des Intrus.

L’affluent Tenardier

Contrairement à la galerie du Gibolin, l’affluent Tenardier est actif et nettement moins obstrué par les remplissages. C’est un méandre bas au début, mais qui devient rapidement confortable (l = 1,5 m ; h = 3 m) voire même esthétique en raison des quelques concrétions que l’on rencontre par endroit. À une centaine de mètres de la confluence avec la galerie du Gibolin, deux cheminées coalescentes et actives percent le plafond de la galerie. Dans l’une d’elles, un départ serait à voir au prix d’une escalade de quelques mètres seulement. Le méandre se prolonge encore sur 150 m et bute sur une énorme trémie (-59 m).

La rivière des Intrus

Au bas du puits de 5 mètres, il faut repérer sur la gauche une petite galerie terreuse qui semble revenir en arrière. Au bout d’une dizaine de mètres, elle perce un petit niveau de grès en même temps qu’elle récupère un ruisselet faiblement actif. En suivant l’aval de ce dernier qui revient sous le conduit précédant, on débouche rapidement au sommet d’un joli puits en cloche de 8 mètres qui rejoint une galerie spacieuse (5 m x 4 m) parcourue par un ruisseau. C’est la rivière des Intrus, principal actif de la cavité.

Amont des Intrus

En amont, le ruisseau peut être remonté sur plus de 300 mètres jusqu’à des rétrécissements proches du versant du cirque de Riañón. En surface, des recherches dans ce secteur ont révélé quelques gouffres sans courant d’air qui ne rejoignent pas le réseau. Plusieurs affluents ont été reconnus, mais leur exploration incomplète mériterait d’être approfondie.

Aval des Intrus

L’aval de la rivière des Intrus est d’un parcours agréable. Après un élargissement dû à la confluence avec une partie du réseau supérieur, la galerie prend l’aspect d’un grand méandre étagé au parcours sinueux. Quelques affluents provenant de puits remontants apportent leur contribution au débit du ruisseau estimé à quelques litres par seconde en période normale. À 200 m de la base du puits de 8m, la morphologie change progressivement. Le méandre perd de la hauteur et le conduit s’élargit pour donner forme à une belle galerie (5 m x 4 m) bordée de talus d’argile. Cela ne dure guère car assez rapidement, les sédiments deviennent plus importants, la voûte s’abaisse et si le courant d’air n’était pas là pour indiquer la suite évidente, on pourrait s’attendre à buter sur un siphon. Le méandre qui fait suite est petit (1m x 2 m) et très argileux, mais de courte durée puisqu’au bout d’une vingtaine de mètres il rejoint la galerie du Gibolin.

La galerie du Caucase :

À partir de cette confluence, la morphologie du réseau change totalement. La rivière ne tarde pas à disparaître sous un éboulis pentu qu’il faut gravir pour accéder à une salle spacieuse. Dès lors, la progression se fait à travers une succession de salles ébouleuses séparées par des passages plus étroits qui empruntent le méandre de voûte. Sur près de 400 mètres, ces éboulis forment des « montagnes russes » qui masquent la faible pente du réseau. L’actif, devenu invisible, circule une quinzaine de mètres plus bas. À –145 m, au niveau du contact calcaire-grès, un premier puits barre la galerie. Profond de 10 mètres il rejoint le cours du ruisseau qui se jette dans une seconde verticale de 9 mètres. A sa base, l’actif s’écoule sur un niveau de marnes grises puis se perd dans un méandre rapidement impénétrable. En paroi sud, une courte escalade glissante rejoint un talus de graviers remontant à la base d’un puits dont le sommet correspond à la vire des Poisses. Au niveau du puits de 10 m, la galerie du Caucase se poursuit et il est facile d’en atteindre la suite en empruntant une banquette confortable. Mais à peine trente mètres plus loin la progression s’interrompt à nouveau devant un grand vide (soutirage) qu’il est nécessaire de contourner par une longue vire argileuse (vire des Poisses). Juste après, un ressaut de 7 m le long d’un éboulis tapissé de glaise mène à une dernière salle. À son point bas, un étroit méandre rejoint un premier puits borgne de 6 mètres que l’on traverse en vire (nombreux amarrages naturels). Quelques mètres plus loin, le bruit d’une chute d’eau est nettement perceptible et un nouveau puits barre la galerie : c’est le « Bure », verticale de 150 m qui constitue la première « marche » d’une suite ininterrompue de puits menant à –534 m d'une part et dans le réseau de La Canal d'autre part. À partir de la salle citée précédemment, une courte escalade a donné accès à une diaclase (vire) et à un vaste puits aux abords tapissés d’argile (puits des Misérables). La consistance plus que douteuse des parois et l’impossibilité de fractionner l’équipement avec des moyens classiques ne nous ont pas encore permis de le descendre. Sondé à plus de 130 m, ce gigantesque puits fossile rejoint probablement les galeries de La Canal au niveau de la salle du Tripotanus ou de l'une des nombreuses cheminées du secteur, quelques 300 m plus bas.

Les puits du fond

Le puits du Bure

Au départ, le diamètre du Bure (P.150) avoisine la quinzaine de mètres. De la margelle, on perçoit très nettement le bruit du ruisseau qui se jette dedans, une quarantaine de mètres plus bas. Après une quinzaine de mètres de descente, on arrive sur un gigantesque bloc qui forme un palier pentu en travers du puits. En paroi nord (-23 m par rapport au sommet du puits), une lucarne donne accès à un méandre rejoignant un autre puits : le Bure II (voir plus loin). La paroi sur les trente premiers mètres du Bure est parsemée d’argile due à la nature gréseuse ou marneuse de la roche. La descente s’effectuant le long de celle-ci, il faut alors veiller aux chutes de glaise qui, sur la hauteur du puits, peuvent devenir dangereuses. Fort heureusement, le calcaire compact reprend rapidement ses droits et le reste de la descente s’opère dans une roche saine, lavée par les embruns du ruisseau provenant de la paroi opposée. Quelques rares petits paliers agrémentent cette belle descente (-50 m). Contrairement à toute attente, le diamètre du conduit se réduit progressivement et, au fond, il prend l’allure d’une diaclase de 1,5 m de large, ce qui ne laisse plus beaucoup d’espace pour se protéger de la cascade. Un méandre parfois étroit et parcouru par le ruisseau mène au puits suivant (P.9). Comme toutes les verticales qui suivent, ce puits est arrosé et à partir de cet endroit, il est absolument exclu de subir la moindre crue. Un puits de 36 m suit presque aussitôt précédant un court méandre qui se jette dans une nouvelle série de verticales. La première mesure 28 m. Elle rejoint le sommet d’un puits aux parois déchiquetées, entrecoupé de nombreux paliers. Au plafond, on note l’arrivée de plusieurs conduits verticaux. Plus loin, le ruisseau emprunte un méandre ponctué de ressauts et de petits puits (P.12, P.14, P.8, P.16). Au bas du dernier, la voûte s’abaisse et il disparaît dans un siphon bas, partiellement comblé par du sable et des limons (-534 m). Il est à noter que, depuis la base du Bure (P.150 m) le courant d’air est quasiment inexistant, à l’exception des turbulences créées par les chutes d’eau dans les puits. Ce constat nous a alors incités à chercher une continuation dans les quelques lucarnes visibles dans la première partie du Bure. L'une des premières fut la bonne et nous donna accès au Bure II puis aux galerie de La Canal.

Le Bure II et la jonction avec La Canal

L'accès au Bure II se fait par une lucarne dans le puits de 150 m du Bure 1, une trentaine de mètres sous son sommet. On l'atteint par une traversée sur une roche pourrie dans laquelle les ancrages sont peu fiables. L'ouverture donne sur un méandre descendant et glaiseux parcouru par un bon courant d'air aspirant. Celui-ci rejoint rapidement un grand puits de 140 m, le Bure II. Au bas, à 11 m du fond, celui se divise en deux branches distinctes. Un léger pendule donne sur un puits de 14 m se prolongeant par un méandre entrecoupé de courtes verticales (11 m, 7 m, 8 m, 5 m, 5 m et 8 m). À - 420 m, le conduit débouche au milieu d'un second grand puits de 112 m de profondeur. Au bas, les écoulements traversent une salle d'une dizaine de mètres de diamètre pour converger dans un siphon de petites dimensions. Le gouffre semble bel et bien terminé. Cependant à 60 m du fond du puits, une fissure discrète en pleine paroi a permis la jonction avec les conduits labyrinthiques de l'extrémité de la galerie de l'Art Brut dans la torca de La Canal.

Géologie

L'ensemble des strates du secteur Muela-Alto de Tejuelo a subi un basculement vers le nord-ouest et appartient au flanc septentrional de l'anticlinal San Roque-Socueva. D'importantes failles, orientées sud-ouest /nord-est, relèvent à tour de rôle les compartiments successifs jusqu'à faire apparaître les niveaux wealdiens sur le Rio Miera où il semble qu'ils soient à une altitude plus élevée qu'au centre du massif de Porracolina. Ce dernier constat et l'existence des grandes failles pouvant induire des écoulements orthoclinaux nous incitaient depuis bien longtemps (1976) à envisager une orientation des écoulements profonds vers le nord-est, contrairement à quelques affirmations un peu hâtives publiées çà et là faisant état d'exutoires, à notre connaissance inexistants, au niveau du Rio Miera certes tout proche. La découverte d’un tel type de drainage, suspendu mais assez long, dans la Torca del Rianon à partir de –100 est venue conforter nos hypothèses et nous a vraiment encouragés à rechercher un collecteur plus profond et plus important. C’est dans la Torca de la Canal que nous allions enfin pouvoir parcourir le superbe Rio Eulogio à partir de 1998. La Torca de Rianon est inscrite dans un compartiment effondré de la Muela. Quand on observe le secteur on s’aperçoit que la densité de calcaire n’a vraiment rien à voir avec celle qu’on rencontre plus à l’ouest sur les immenses zones lapiazées de l’Alto de Tejuelo, de l’autre côté de la grande faille de Las Pasadas. Les flancs de la Muela ont donc longtemps été méprisé jusqu’à notre prospection de 1994. On retrouve empilés en alternance des niveaux gréseux, marneux et des bancs calcaires que, tant bien que mal, nous avons pu corréler latéralement avec les épisodes carbonatés du Haut-Rolacia (niveau 8). Les puits d’entrée de la Torca de Rianon traversent sur une centaine de mètres ce niveau 8 ; les épaississements marneux entre les bancs calcaires sont responsables de la fragmentation en petits puits. A la base des principaux crans verticaux, vers – 85, une faille mineure créée un léger décalage et les deux derniers petits puits crèvent des bancs calcaréo-gréseux pour déboucher au plafond d’une ultime strate calcaire dans laquelle s’écoule le joli ruisseau souterrain. A partir de là c’est le niveau 7, équivalent latéral des marnes de la Porra, qui va servir de substratum imperméable pour l’actif jusqu’à sa chute dans les verticales du fond. En aval, un peu avant le grand puits du Bure le ruisseau incise petit à petit l’écran imperméable qui le supportait jusque là et on s’enfonce dans des couches gréseuses et surtout marneuses caractéristiques qui n’ont pas été sans poser de problèmes au cours des explorations. Près du P. 150 on traverse des bancs gréseux et il semble que ce soit au niveau d’une faille (mal observée) que l’eau finisse de percer le plancher. En descendant le grand puits arrosé on retombe dans l’importante série des calcaires sous-jacents qui va des biocalcarénites (niveau 6), à la patine rose ou jaunâtre, aux strates urgoniennes à Toucasia et Iraquia d'age Bédoulien et Gargasien (niveau 3 et 4), d'une épaisseur de 600 à 700 mètres composées de calcaires construits très purs. Aucun écran imperméable conséquent ne peut alors enrayer la chute de l’eau en profondeur jusqu’à l’altitude du collecteur de La Canal.

Muela1

Géologie du flanc ouest de la Muela.
Les numéros correspondent aux niveaux géologiques de la série stratigraphique du massif

Situation géologique schématique relative des gouffres de La Canal, Rianon et Las Pasadas.

La Torca de La Canal et la Torca de Rianon s’ouvrent à des altitudes sensiblement différentes (660 et 960 m) et dans deux compartiments séparés par l’importante faille de Las Pasadas. Le réseau de la Torca de La Canal traverse latéralement cet accident mais demeure dans le même ensemble calcaire. La Torca de Rianon, elle, dévale toute la série de son compartiment effondré de la Muela pour en définitive rejoindre le même horizon stratigraphique. La Torca de Las Pasadas s’ouvre sur la faille, s’enfonce profondément dans le compartiment Alto de Tejuelo sur près de 600 m et traverse aussi la faille vers l’est pour venir probablement se greffer sur le réseau de la Torca de La Canal tout proche.

coupe strati

Position schématique de la torca de Riañón dans le dispositif géologique
du col de las Pasadas (projection NO-SE, sensiblement perpendiculaire à l'axe du réseau)

Les numéros correspondent aux niveaux géologiques de la série stratigraphique du massif

 

Historique

1994

C'est sans doute en raison des conditions météorologiques désastreuses de ce printemps 1994 que nous avons découvert la torca del Rianon, dans un secteur considéré comme pauvre en cavités. La neige encore très abondante, nous avait contraint à renoncer à nos projets d'exploration à Salcedillo et sur le Picon del Fraile.

Jeudi 21 avril : Profitant d'une éclaircie, il nous prend brusquement l'envie d'aller revoir le secteur de Las Pasadas et de montrer à quelques nouveaux venus, des lapiaz et des gouffres capables de leur faire oublier le mauvais temps. Au-dessus de Calseca, une erreur d'orientation nous écarte bientôt de l'itinéraire prévu et nous voici, errant dans les landes à la recherche d'un sentier plus commode. Chemin ou pas, nous en profitons pour prospecter un peu. La découverte de quelques cavités intéressantes et l'absence de marquage nous incitent alors à être plus vigilants. Apres la bordure Sud de la Muela, nous voici en train de ratisser le petit cirque qui souligne le versant Ouest de cette montagne et que les autochtones appelle Rianon. Rapidement, nous découvrons un puis deux puis plusieurs trous souffleurs. Les uns étant impénétrables, nous nous rabattons sur deux cavités très proches l'une de l'autre que nous marquons 751a et 751b. Une corde que nous avions emportée "au cas où" nous permet alors de descendre le premier puits de ce qui deviendra plus tard la torca del Rianon.(C. Besset, P. et S. Degouve, J. F. Ray, Famille Simonnot(5).

Vendredi 22 avril : Tandis que Sandrine et Guy reconnaissent les torca 754 et 755, Patrick et Jean François équipent les puits de la torca del Rianon jusqu'à -90 et reconnaissent 145 m dans la galerie du Gibolin (topo) en compagnie de Sandrine qui les a rejoints. (P. et S. Degouve, J. F. Ray, Guy Simonnot) Dimanche 23 avril 1994: Il neige sur Calseca et la tempête qui se lève nous fait hésiter un moment. Nous décidons de constituer deux équipes pour éviter les embouteillages dans les puits. La première, effectue la topo des puits et continue l'exploration de la galerie du Gibolin (M. Chenu, P. Degouve, J. F. Ray). La seconde (S. Degouve, C. Durlet, G. Simonnot) retourne à la perte 754 qui s'arrête sur une étroiture ponctuelle parcourue par un courant d'air sensible. C'est aussi belle occasion de tester les éclateurs de roche que nous venons d'acheter. Malheureusement, la perte arrose copieusement et le temps de percer deux trous au perforateur électrique, le trio se retrouve trempé et sort sous des tornades de neige, de grêlons et de pluie, dans l'incapacité d'aller faire une pointe au fond de la torca. Toutefois, G. Simmonnot et C. Durlet en profitent pour jonctionner la Torca 751a avec le réseau, dans la zone des puits d'entrée. Pendant ce temps, la première équipe cavale dans des galeries de plus en plus grosses (Galerie du Caucase) et topographie ce jour là 870 mètres jusqu'à un puits de 10 m.

Mardi 26 avril : Cette fois-ci, l'équipe est au complet (M. Chenu, P. et S. Degouve, C. Durlet, J. F. Ray et G. Simonnot). Le puits de 10 mètres est rapidement descendu ainsi qu'un deuxième de 9 mètres dans laquelle se jette la rivière. Plus loin, celle-ci se perd dans une galerie gréseuse entièrement effondrée. La suite est finalement repérée en traversant le P.10 et nous nous arrêtons sur un balcon devant une vire peu engageante bordant un vide long d'une bonne vingtaine de mètres. Sans équipement adéquate, nous nous replions sur l'amont de la rivière des Intrus que nous explorons sur près de 700 m. A la fin du séjour, le développement dépasse 2 km (1900 m topo). Samedi 30 juillet 1994: Le report de la topographie effectuée au mois d'avril, nous indique que la rivière des Intrus passe une dizaine de mètres sous la base des puits d'entrée. C'est donc dans l'espoir de court-circuiter les boyaux et les laminoirs de la galerie du Gibolin, qu'une petite équipe se rend à la torca (P. et S. Degouve) et descend un petit puits de 10 mètres situé dans un affluent gréseux repéré auparavant par Jean François Ray. Effectivement, le puits tombe en plein sur la rivière, économisant près d'une heure de progression pénible. Le même jour, la vire des Poisses n'est que partiellement équipée en raison de l’épuisement prématuré des batteries du perforateur (T.P.S.T.: 5h00).

Dimanche 31 juillet : Avec des accus bien chargés, nous poursuivons l'équipement de la vire des Poisses. La paroi gréseuses nous donne quelques soucis et les spits ont une fâcheuse tendance à lâcher les uns après les autres. Pour terminer, Marc, las de spiter dans de la pâte à modeler, effectue un impressionnant lancer de marteau qui lui permet d'accrocher la corde de l'autre côté de l'obstacle. Du grand art... Derrière, un petit puits argileux mène au bas d'une salle dont les seules issues sont un méandre au plafond et un petit soupirail dans lequel s'engouffre le courant d'air. Nous choisissons le soupirail et rapidement nous rencontrons un autre puits, borgne cette fois. Une traversée en son sommet est effectuée sans grande difficulté grâce à de nombreux amarrages naturels. Mais aussitôt derrière, c'est une nouvelle verticale qui nous arrête, notre stock de corde étant épuisé . Ce jour là, la rivière est en crue et le bruit des cailloux lancés pour sonder l’abîme se perd dans le grondement d'une cascade. Dans le doute, nous l'estimons à une cinquantaine de mètres, mais en réalité il en fait trois fois plus (puits du Bure). (M.Chenu, P. et S. Degouve)(T.P.S.T.: 9 h 00).

Mercredi 3 août : Le puits du Bure est descendu sur 60 mètres (arrêt par manque de corde). Apparemment, la cavité semble vouloir plonger dans les calcaires et les niveaux gréseux étant franchis, il n'existe en principe plus d'obstacle géologique pour qu'elle gagne en profondeur. Aussi, ayant au programme d'autres explorations moins gourmandes en matériel à l'Hoyo Salcedillo, nous décidons d'en rester là pour ce séjour. Ce n'est pas courant, mais pour une fois la première attendra (M. Chenu, P. et S. Degouve, C. Lecas, O. Monnot, G. Simonnot, P. Sologny).

1995

Dimanche 30 avril : Le temps est au beau fixe, mais juste avant notre arrivée une importante fonte de neige a grossi tous les ruisseaux souterrains. C'est pourquoi, nous décidons d'effectuer, en priorité, une escalade située après la vire des Poisses et qui devrait en toute logique nous conduire à des puits moins arrosés. Pendant ce temps, Sandrine et Patrick Degouve complètent la topographie de la galerie du Gibolin et explorent l'amont de la rivière Tenardier. Celle-ci est remontée sur 335 m jusqu'à une trémie. Marc Chenu et Jean François Ray à qui incombait l'escalade découvrent, quant à eux, une galerie confortable mais glaiseuse barrée par un puits borgne qui les oblige une fois encore, à équiper une vire. Cinquante mètres plus loin, comme prévu, un nouvel abîme large et profond barre leur progression. Le contrat est donc rempli puisque ce dernier semble fossile et qu’un violent courant d'air s’y engouffre.

Lundi 1° mai : Muni de près de 200 mètres de corde, nous nous engageons dans ce puits avec la ferme intention de doubler la profondeur de la cavité. Mais c'était sans compter sur les quelques 30 à 40 mètres de grès à traverser. En effet, au fur et à mesure de la descente, il devient totalement impossible de planter le moindre spit dans ces parois qui s'apparente plus à de la guimauve qu'à de la roche. Au bout d'une heure de gesticulation et d'engluement la petite équipe renonce et décide de retourner dans le puits du Bure qui semble désormais le seul passage praticable. Malheureusement, l'eau n'a pas baissé et le ruisseau toujours abondant se jette bruyamment dans le noir repoussant une fois encore l'exploration tant attendue. (M. Chenu, P. Degouve, J. F. Ray).

1997

Lundi 14 juillet : Le temps est très menaçant et il a beaucoup plu ces derniers jours. Nous revoyons l'équipement de la vire qui est toujours aussi sportive et tentons une pointe dans le puits du Bure. Peine perdue, le niveau est des plus hauts et un véritable torrent se jette dedans. Tant pis pour Rianon, et de toute façon nous avons à faire à La Canal où la crue n'aura pas d'incidence. (Marc Cottin, Patrick et Sandrine Degouve)

1998

Mardi 4 août : Cela fait maintenant 4 ans que nous buttons devant le puits terminal. Et face à ces échecs répétés, ce n'est pas l'enthousiasme général pour poursuivre l'exploration. Patrick et Ludovic ne se font pas prier et descendent dans Rianon avec 160 m de cordes qui viendront se rajouter au petit stock qui attend en sommet de puits. Ils commencent l'équipement du grand puits qui est alors estimé à 130 m. Derrière, un méandre étroit les conduit au sommet d'un P.9 très arrosé, suivi presqu'aussitôt par un P.36 également très humide. Trempés, ils sont obligés de s’arrêter au sommet d'une nouvelle verticale qui n’a ni été sondée faute de projectile, ni descendue, faute de corde... Au sommet du P.9, Christophe les rejoint et tout le monde ressort dans la foulée. (François Alamichel, Patrick Degouve, Christophe et Pierre Durlet, Ludovic Guillot, Marie-Christine Hébert, Nicolas Pouillot, Guy Simonnot)

Jeudi 6 août : Le temps étant toujours au beau fixe, c'est sans crainte qu’une seconde offensive est lancée au fond de Rianon. La première équipe (Ludovic, Sandrine, Marie Christine et Patrick) entre dans la cavité vers 8h00 avec un peu plus de 150 m de corde. Sandrine et Ludovic partent devant pour équiper la suite des puits. Marie Christine et Patrick suivent en faisant la topographie. Le grand puits mesure en fait 150 mètres et non 130 comme nous le pensions. Après le terminus de l'avant veille, les puits s'enchaînent et la pente s'accentue (P.28, P.35, P.12, P.14, P.16). Tous sont arrosés et le gabarit de la galerie ne permet guère d'éviter le ruisseau. En crue, ce doit être un véritable piège à rats. Mais pour l'heure, le quatuor prend un réel plaisir à descendre ce petit canyon souterrain qui finit par les conduire au bord d’un siphon à -534 m. Devant l’absence totale de courant d’air, le déséquipement est réalisé dans la foulée jusqu'au sommet du grand puits où Christophe, François et Pierre viennent récupèrer les sacs de cordes gorgés d'eau. Plus loin, ce sont Guy et Nicolas qui attendent pour déséquiper les puits d'entrée. Vers 23 h 00 tout le matériel et le personnel est ressorti, le ciel est splendide et ceux qui juraient ne jamais remettre les pieds dans ce gouffre pensent déjà d'y retourner pour jonctionner avec La Canal. (François Alamichel, Patrick et Sandrine Degouve, Christophe et Pierre Durlet, Ludovic, Guillot, Marie-Christine Hébert, Nicolas Pouillot, Guy Simonnot.)

2000

Samedi 29 juillet : Participants: Rianon. Pendant que Guy initie Martin aux manœuvres de cordes dans les puits d'entrée, le reste de l'équipe se dirige vers le fond afin de trouver une solution pour éviter le début argileux du puits des Misérables. Filou, Stéphanie et Laurent acheminent de la corde jusqu'au puits du Bure que Patrick et Sandrine commencent à équiper. Le but est de trouver une lucarne communiquant avec le puits des Misérables et évitant du même coup les 30 à 40 m de marnes et de grès qui rendent tout équipement inopérant. A la première vire (40 m sous la margelle du puits) Patrick entame une traversée. Le calcaire est toujours aussi pourri et les spits correctement plantés ne sont pas majoritaires. Il en faut une petite dizaine pour atteindre l'ouverture d'un méandre descendant, glaiseux à souhait, mais qui rejoint assez rapidement un vide important qui semble être le puits des Misérables. De toute façon, un bon courant d'air s'engouffre dans le conduit. Le contrat est rempli, il ne reste plus désormais qu'à descendre le fameux puits (Laurent Cros, Patrick et Sandrine Degouve, Jean François Ray, Guy et Martin Simonnot, Stéphanie Tripoli) .

Jeudi 3 août : Il pleut abondamment et le départ n'est pas très matinal. Nous emportons encore 80 m de corde et le perforateur ainsi que des goujons de 10 pour les passages gréseux et des petits goujons de 8 pour le reste. En tout, nous disposons donc d'environ 270 m de corde en 8 mm. En une heure nous sommes au puits du Bure. Le ruisseau coule fort. Patrick commence l'équipement et les gros goujons sont bien utiles pour le début du puits qui se fait dans un calcaire marneux peu sympathique. 2 paliers se présentent rapidement, encombrés de blocs instables. La suite se fait dans un beau calcaire creusé à l'emporte pièce. La corde de 120 m est rapidement consommée et il s'arrête en bout de corde à plus de vingt mètres du fond. Heureusement, une lucarne toute proche lui permet d'attendre Filou qui apporte la corde suivante. Au total, le puits dépasse largement les 100 m. Deux autres puits d'une dizaine de mètres lui font suite puis le conduit prend la forme d'un méandre entrecoupé de courts ressauts qui mettent à mal notre stock de corde. Vers -400 m Ludo prend le relai. Les goujons (22 au total) sont tous utilisés et il faut revenir à des méthodes traditionnelles. Après un puits de 8 m, une dernière verticale estimée à 60m engloutit notre dernière corde sans qu'il puisse voir le fond. Il faudra revenir, il y a de l'air (soufflant ce jour là) et La Canal est en principe très proche. Au retour, la topo du méandre jusqu'à la lucarne est dressée. Le reste se fera plus tard avec un matériel plus approprié. Au retour, le niveau d'eau a encore monté et dehors, il pleut... (Patrick Degouve, Ludovic Guillot, Jean-François Ray).

Lundi 30 octobre : Suite de l'exploration des puits fossiles. A -430 m, Ludo et Dany continuent l'équipement pendant que Patrick et Sandrine suivent en faisant la topo. Le puits estimé à 60 m en fait 120 m. Dérrière, Bernard et Josiane topographient le P. 130 m. Puis Bernard rejoint la première équipe et l'aide à déséquiper puisque le fond ne présente pas de suite évidente (ruisseau avec V.M.). Tout le fond est désequipé. (Patrick et Sandrine Degouve, Dani Edo Teys, Ludovic Guillot, Bernard et Josiane Lips, Christian Locatelli).

2002 : exploration menée dans la torca de La Canal

La découverte du réseau de la Gándara à l'autre extrémité du massif va entraîner un sérieux coup de frein aux explorations à La Canal. Cependant, il reste toujours les jonctions avec les deux gouffres les plus proches : la torca del Riañón et le gouffre de las Pasadas. Pour cela, un bivouac de 2 jours est organisé entre deux sorties à la Gandara. Il se déroule les 27 et 28 octobre. Le premier objectif est le fond du méandre des Calamars où une étroiture sélective est franchie. Derrière, une belle galerie recoupe un ruisseau limité en aval par un siphon. L'amont bute assez rapidement sur des bases de cheminées d'où semble provenir le courant d'air (topo : 445 m). Le lendemain l'équipe tente sa chance du côté de la galerie de l'Art Brut. Le premier puits descendu sera le bon et au fond, Sandrine et Dany confirment la jonction avec le puits terminal de Riañón (D. Boibessot, S. Collomb Gros, D. Edo Teys, P. et S. Degouve, J. Palissot).

Bibliographie

- DEGOUVE DE NUNCQUES, Patrick (1999) : Compte rendu des explorations du Spéléo-Club de Dijon sur le massif de Porracolina (1997 à 1999) - Rapport pour la C.R.E.I. (FFS)
- DEGOUVE DE NUNCQUES, Patrick (1995) : Activités des clubs dans la province de Santander - Sous le Plancher 1995, n°10, p.134
- DEGOUVE DE NUNCQUES, Patrick; SIMONNOT, Guy (1999) : Activités du Spéléo-Club de Dijon dans le val d'Ason (province de Santander - Cantabria) - Spelunca, n° 74, pages 5 à 8
- DEGOUVE, Patrick ; SIMONNOT, Guy (1997) : Principales trabajos del Speleo Club de Dijon en el Macizo del Porracolina (Asón-Miera, Cantabria) - BCE, Boletin Cantabro de espeleologia, n°13, p.85
- SIMONNOT, Guy (2014) : Bustablado : una gran red espeleológica en construcción - Boletín n°10 SEDECK - Año 2014 - Sociedad española de espeleología y ciencas del karst, p. 53 à 64
- SOSA BRAVO, M. ; GARCIA GONZÁLEZ, D. ; GONZÁLEZ-GALLEGO, J. ; GONZÁLEZ-GALLEGO, M.A. (2014) : El sistema Alto de Tejuelo - Boletín n°10 SEDECK - Año 2014 - Sociedad española de espeleología y ciencas del karst, p. 64 à 83

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topo2 < Télécharger le plan de la torca de Riañón (n°751) (A3)

 

 

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