Le réseau de la Gandara

(n°49, 53, 435, 515,
1086, 1141 et 1142- secteurs 9 et 10)

Développement : 103 558 m
Dénivellation : 814 m

Depuis plus d’une quarantaine d’années, le karst entre les vallées du rio Miera et du Haut Ason, n’a jamais cessé d’alimenter les chroniques spéléos au chapitre des découvertes. A l’aube de ce siècle, on peut désormais estimer avoir une assez bonne connaissance de l’organisation des réseaux souterrains de ce massif exceptionnel. Cependant, jusqu’en 2001 et malgré l’opiniâtreté de plusieurs groupes tant espagnols que français, il demeurait une zone d’ombre au sud du secteur. Ce n’était pas la moindre, puisqu’elle concernait la plus grosse résurgence rencontrée sur le pourtour du massif : la fuente de la Gandara. Curieusement la solution à cet énigme persistante sera trouvée, comme très souvent en spéléologie, dans un boyau minable tapi au fond d’un gouffre maint fois visité. La suite constitue le point d’orgue d’une saga longue de plus de 20 ans et qu’il sera bien difficile de résumer dans cet article

Historique des explorations

Description du réseau : Un réseau aux multiples facettes

Sur un plan morphologique, on peut distinguer trois grandes parties dans le réseau.

Les laminoirs du Fraile

En amont, sous le Picon del Fraile, les galeries adoptent un profil désormais classique dans ce type de karst constitué d’une alternance de grès, de marno-calcaires et de calcaires. Les conduits se développent majoritairement dans les interstrates sur les niveaux gréseux. La section en forme de laminoir est du coup prépondérante lorsque l’érosion n’a pas pu creuser les calcaires sus jacents. Dans le cas contraire, on peut rencontrer quelques belles galeries en trou de serrure. La structure monoclinale quant à elle, favorise la multiplicité des drains parallèles, parfois très proches. Ajoutons à cela un pendage de 12° en moyenne, se redressant jusqu’à 16° au sud-ouest du Fraile, et nous avons là tous les éléments pour favoriser le creusement de conduits en écheveaux. Ceux-ci sont anastomosés en fonction des caprices de la fracturation notamment celle orientée nord-sud c'est-à-dire perpendiculairement aux sens d’écoulement. Cette morphologie n’est pas sans rappeler celle des conduits des cuevas de Las Bernias qui constituent probablement d’autres amonts du réseau. Sur le plan de l’exploration, ces conduits n’offrent pas véritablement d’obstacles mis à part la faible hauteur qui peut s’éterniser sur plusieurs centaines de mètres. Une autre caractéristique est l’absence de puits. Tout au plus, il est possible de rencontrer ça et là des ressauts correspondant à des fractures mineures à peine visibles.
Actuellement, nous avons exploré environ 8 drains parallèles sans compter les diffluences locales. Le plus long (galerie du Lézard – grotte des Calligraphes) a été parcouru sur un peu plus de 2 km (490 m de dénivelé). Mais le seul à permettre la connexion avec la partie médiane du réseau est le rio Viscoso. Il rejoint la zone phréatique à mi-distance entre les deux extrémités du réseau. La présence d’un drain fossile plus ancien et creusé dans des conditions qui restent à éclaircir semble avoir favorisé ce développement.

Les galeries phréatiques intermédiaires

En progressant dans le rio Viscoso, il est aisé d’observer cette transition. Vers -730 m par rapport à l’entrée des Calligraphes, le sol de grès omniprésent depuis l’entrée disparaît sous les calcaires. La pente diminue et les premiers véritables drains fossiles font leur apparition. Ceux-ci prennent aussitôt de l’ampleur, favorisés en partie par une épaisseur plus conséquente des strates calcaires et la quasi disparition de certains niveaux gréseux. De façon très globale, nous sommes en présence de galeries étagées sur un peu plus d’une centaine de mètres. Elles se sont creusées pour la plupart en régime noyé. Dans l’état actuel de nos connaissances, trois phases de creusement semblent se distinguer de cet enchevêtrement de galeries. La première (580 m d’altitude) correspond au niveau actuel du collecteur (aval de la galerie des Quadras, Rio en Calma, aval du rio Viscoso). La seconde, 30 m plus haut (610 m d’altitude), correspond à la galerie de Cruzille et à celle du Pilon, en aval de la salle Angel. La troisième, est parfaitement illustrée par la galerie des Anesthésistes. Il s’agit de conduits plus anciens, marqués par des éboulis et des trémies souvent imposants. Curieusement, ils s’interrompent tous sous les flancs de l’Ojon comme d’ailleurs les réseaux perchés du Fraile de l’autre côté de la vallée glaciaire (Cueva del Jabato).
Dans cette partie du réseau, c’est la fracturation qui devient prépondérante avec un axe ouest-est très marqué parfaitement illustré par l’étonnante Fracture Méandrisée que l’on rencontre au bas de la torca la Sima.
Quelques actifs perchés, provenant de l’Ojon ou de la Brena recoupent par endroit ces galeries. C’est le cas du rio du Zan Brun, de celui de Las Pelotas et des amonts de la Fracture Méandrisée.

Au niveau de la résurgence, l’influence des lentilles calcaires

L’exutoire du réseau se situe au niveau d’un empilement de lentilles récifales dont la plus emblématique est constituée par la pena Becerall. La masse calcaire est ici épaisse de près de 300 m. La morphologie des conduits souterrains s’apparente donc beaucoup plus à celle rencontrée dans les grands réseaux de la vallée d’Ason (Fresca, Coventosa ou Cayuela). On y trouve de grands canyons au parcours sinueux et labyrinthique, et présentant toujours des niveaux de creusement étagés. Les grès ont totalement disparus et le niveau de base actuel correspond désormais à l’épaisse couche des marnes de Soba sur laquelle s’écoule le cours aérien du Rio Gandara.
L’actif, en partie noyé, rejoint la source pérenne via la cueva del Rio Chico qui fait office de trop plein en période de crue.

version plus grande

Hydrologie, le mystère reste entier…

A première vue, le réseau apparaît comme un important delta souterrain convergeant vers l’unique résurgence de la Gandara. Ce schéma, confirme ce que nous supposions déjà. Mais dans le détail, l’organisation des circulations est un petit peu plus complexe. En effet, les récentes découvertes sous le Fraile nous permettent d’avoir une bonne perception des circulations au niveau d’un écran gréseux bien identifié. Mais qu’en est-il de celles situées à des niveaux supérieurs (Cueva del Jabato, Requiem…) ou inférieurs (pertes de la Lunada, cavités du Haut Miera) et du coup, quelles peuvent être les limites du bassin d’alimentation ? De même, une grande partie du collecteur parcouru au niveau de la zone d’entrée provient du sud par des conduits noyés en partie inexplorés. Là aussi, la limite est assez floue. Chaque exploration nous permet de repousser un peu plus loin les limites de nos connaissances, mais il est encore un peu tôt pour échafauder des hypothèses sérieuses.
De même, nous commençons à accumuler des indices pour retracer la genèse du réseau. L’étagement des conduits donne déjà de bonnes indications, mais il faudrait y adjoindre une étude plus poussée des remplissages et de l’influence des glaciers qui ne fait aucun doute.

 

 

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