(n° 210)
Développement : 6448 m
Dénivellation : -390 m
La torca del Carrío, de par sa situation, reste assez enigmatique. Ce drain perché, situé entre les deux grands réseaux de l'Hoyo Grande et de la Gandara n'a pas livré tous ses secrets. Tributaire de l'un ou de l'autre, il peut aussi constituer le collecteur d'un réseau totalement indépendant résurgeant dans la Posadia.
Une petite doline elliptique sur le flanc herbeux du nord de
l’Alto Carrío est percée d’un large puits de 47m
qui est l’entrée supérieure et principale du réseau.
Une centaine de mètres plus au nord, un deuxième petit gouffre
(P.6) nettement moins évident constitue le second accès.
La torca possède 2 entrées :
Entrée principale n° 210 :
X = 447,130 ; Y= 4784,945 ; Z= 1379 m
Entrée basse n° 656 :
X = 441,125 ; Y= 4785,010 ; Z= 1356 m
Commune : Soba
L'entrée de la torca s'ouvre dans la lande sommitale de l'Alto del Carrío
Les trois éléments constituants du réseau
L'examen du réseau montre que celui-ci résulte de la réunion de trois éléments : des bases de puits, des rivières reliées entre elles par des "réseaux de communication".
Les bases de puits
Elles peuvent être regroupées : d'une part, une
quinzaine dans le réseau 75 et d'autre part, six autres dans le réseau
DEHOUSSE. Elles correspondent respectivement aux dolines et aux innombrables
effondrements des deux zones d'absorption dans les formes superficielles,
Carrío nord et Brenacobos .
Ces bases de puits ressemblent à de belles salles plus ou moins circulaires
au plafond indiscernable et contribuent souvent à l'établissement
des rivières. Dans la partie avale une seule cheminée est mentionnée
(salle de l’Espoir)
Les rivières actives
Ce sont des conduits souvent grossièrement parallèles
entre eux, rectilignes parfois sur des centaines de mètres et descendant
suivant l'axe du pendage. Ces rivières ne sont de fait parcourues le
plus souvent que par de légers filets d'eau et seraient dès
lors plus assimilables à des ruisseaux.
Leur aspect de galerie haute et étroite en V renversé, assez
aigu vers le haut avec un léger élargissement au niveau du joint
de strate, témoigne de leur formation à partir d'une fissure
avec écoulement libre dans le banc calcaire qui forme aujourd’hui
le haut des galeries. Trait remarquable de ces calcaires, la présence
de fossiles de Pseudotoucasia si fréquents par ailleurs, mais qui ici
ont été exceptionnellement bien dégagés de leur
gangue carbonatée.
Le sol noir, poli, souvent particulièrement glissant, est entaillé
dans la couche marneuse ou gréseuse.
De plus, un léger surcreusement dans les marnes a laissé les
vestiges d'un écoulement suspendu plus ancien. Des sortes de ponts
de marnes barrent la galerie à une hauteur d'environ 1,20 m et constituent
parmi les formes les plus originales que l'on rencontre dans le réseau.
Seules les galeries terminales du réseau Dehousse et des secteurs profonds
comme la salle de la Esperanza et le río Ancho offrent l'aspect de
galeries plus larges, véritables dédales de blocs instables.
La morphologie de la rivière des ponts
est assez classique dans ce contexte lithologique. On en trouve également
dans des cavités du Fraile ou de l'Hoyo Grande.
(
Version plus grande)
Les réseaux de communication
Réseaux souvent complexes, uniquement fossiles, ils
ont permis de relier les rivières actives entre elles et assurent l'unité
du réseau.
Ces conduits surélevés de quelques mètres par rapport
aux ruisseaux actifs se développent sur les côtés des
rivières. Ils sont très largement comblés par des remplissages
particulièrement importants.
Bien qu’influencés par une fissuration perpendiculaire à
celles des rivières, ils ont été, à la différence
des rivières, creusés le plus souvent à la faveur du
joint de stratification par, évidemment de la couche marneuse, puis
par effondrement de la voûte en plaques à l'origine de blocs
maintenant recouverts d'épaisses couches de sables fins. Ainsi, ils
se présentent souvent comme de vastes élargissements latéraux,
assez bas de plafond, uniformément plats en beaucoup d'endroits.
Les remplissages
Leur abondance dans certaines galeries est telle qu'elles paraissent complètement obstruées par le sable et les graviers.
Les sables fins
De vastes étendues de sable sont concentrées
en aval du carrefour de l'étoile (- 155) dans le réseau DEHOUSSE.
Les couches atteignant souvent 2 m d'épaisseur obstruant partiellement
les galeries au point de les transformer en des sortes de laminoirs bas dans
lesquels la progression est malaisée.
Au niveau de la confluence de l'affluent des marmites (- 159) un soutirage
local récent met en évidence une très belle section de
la couche sableuse épaisse d'environ trois mètres en cet endroit.
On remarque des marbrures régulières qui séparent des
couches alternées de sables de natures différentes. Une étude
précise permettrait peut-être de mettre en évidence des
cycles annuels ou saisonniers pour les dépôts.
La découverte en remontant une cheminée, de banquettes de sables
suspendues à plus de 10 m au-dessus du niveau actuel de la rivière
de la Servitude peu avant son terminus, permet d'envisager différents
modes dans l'écoulement des eaux pour l'aval de cette rivière.
Tout d'abord, des eaux calmes ont provoqué le comblement presque total
de la rivière. Les eaux s'écoulaient au ras de la voûte
et étaient en partie capturées par la galerie de communication
de - 155 au profit de la rivière des ponts. C'est ce qui expliquerait
le brusque rétrécissement de la rivière de la Servitude
en aval de la cote - 155.
Puis dans une seconde phase la galerie a été débarrassée
des sables par des écoulements plus rapides. L'enfoncement des eaux
s1est ensuite stabilise au niveau actuel.
Les agglomérats de graviers, galets et sables
Ils forment sur les parois de certaines rivières des banquettes latérales. De très beaux exemples sont visibles dans la rivière du gouffre en amont du conduit C3 (Cervidé).
Géologie
Au sommet du P.47 de l’entrée principale la doline perce un banc de grès. Les puits traversent des bancs calcaires du niveau 10 et les cours actifs ont pour substratum imperméable un banc gréseux et marneux non franchi dans cette cavité ; cet écran pourrait être le même que celui qui supporte les réseaux inférieurs de la torca del Hoyo Grande (n°39). Le banc calcaire au dessus de l’entrée du gouffre et qui couronne les crêtes du Carrío semble correspondre à la barre de la Haza (voir secteur 6, Hoyo Grande).
Hydrologie
Les actifs se dirigent vers le sud-est en suivant le pendage
(~8°) et en profitant des diaclases orientées N 140°.
Les derniers explorateurs voient dans deux petites sources du flanc de l’Hoyo
Brenavinto un exutoire possible du réseau. Cette hypothèse demeure
très discutable et ne solutionne pas le devenir des ruisseaux au sud
du réseau (trémie de -185) ou des secteurs plus septentrionaux
(cirque de la Sota, Colina). Comme d’autres réseaux du secteur
(cueva de la Haza, Enanos Blancos) une relation avec la source de la Gándara
ou avec la modeste source de la Cascada reste à envisager.
1973
Le gouffre est repéré le 3 août 1973 au cours d’une prospection autour de la Colina et du Carrío (François Leclerc, G. Simonnot (S.C.Dijon), le jour même où commenceront les explorations au sumidero de Saco 2. Il est évidemment bien connu des bergers rencontrés ce jour là sous le nom de Mortero ou Torca del Carrillo. Il ne doit pas être confondu avec la torca del Mostajo (n° 657) qui est l’autre gouffre profond (mais borgne), lui aussi très connu des autochtones, qui s’ouvre sur la même lande herbeuse.
1974
La cavité est « redécouverte » par
une autre équipe et baptisée gouffre du Merle (!) par un de
nos brillants ornithologistes (P. Degouve, Ph. Morverand).
Le 2 août une première reconnaissance permet d’explorer
les P.47 et P.35 et les salles à leur base (Castagnac, Morverand, Pasteau).
1975
Les 19 et 20 août 1975, 800 mètres de galeries sont explorées (Deville, Figuera, Morverand).
1976
Fin juillet 1976, un kilomètre de galeries nouvelles
sont découvertes jusqu’à -185 (Deville, Morverand).
En août, un camp est installé à proximité du gouffre
et permet d’effectuer la topographie et de poursuivre l’exploration.
Le développement dépasse 4 km.
La montée du matériel, comprenant en particulier une lourde
tente de l’armée, par le chemin de la Posadia s’avèrera
particulièrement éprouvante (Y. Berthot, J.D. Dehousse, J.M.
Deville, E. Leglaye, Ph. Morverand, Parizot, R. Perriaux, P. Servy, G. Simonnot).
Quelques jours plus tard l’expédition dijonnaise est endeuillée
par le tragique accident de Jean Dominique Dehousse (15 ans) au dessus des
sources de la Gándara.
En son honneur le réseau témoin de ses premières, et
hélas dernières explorations portera son nom.
1977
Le 10 août 1977, une deuxième entrée est
découverte et reliée à l’ensemble du réseau
(Morverand, Poête)
Pendant un quart de siècle, malgré les points d’interrogation
restants, ce réseau ne reverra plus aucun spéléologue.
Ce sont les spéléologues Cantabres qui vont avoir l’excellente
idée de s’y intéresser à nouveau.
2003
11 octobre 2003 : Une étroiture aspirante (paso Luis XIV) au fond de la salle des Os donne sur un petit puits et une rapide désobstruction permet l’accès à une galerie prometteuse (galeria del Tigre, Gato y Ratón) sur environ 1 km jusqu’à une petite salle (sala de la Esperanza). (Moisés, Luis, Antonio González Corbalán (S.C.Cántabro))
2004
1 mai 2004 : 400 m supplémentaires sont explorés
(Cesar, Moisés, Luis, Antonio González Corbalán (S.C.Cántabro))
12 juin 2004 : à partir de la salle de la Esperanza 500 m de galeries
sont ajoutés (Cesar, Moisés (S.C.Cántabro))
23 août 2004 : le siphon terminal du río Ancho est atteint et
800 m de nouvelles galeries sont topographiées (Wichi (A.E.Ramaliega),
Antonio González Corbalán (S.C.Cántabro))
- DEGOUVE de NUNCQUES, Patrick; MORVERAND, Philippe (1975)
: Description de quelques cavités de la région du Val d'Ason,
expédition 1974 du S.C.Dijon - Sous le Plancher, tome 12, 1973, fasc.
2, p. 30 à 42
- MORVERAND, Philippe (1978) : Le réseau du Carrillo - Sous le Plancher,
tome 15, 1976, fasc. 3-4, p. 23-44
- GONZÀLEZ, A. (2007) : Systéma El Carrío, S.C.C. - B.C.E.
n° 16 pages 131 à 137