(n°507 - secteur 7)
Développement : 18800 m
Dénivellation : -532 m
Historique des explorations
Description simplifiée
Le val d’Ason et tous les massifs avoisinants sont réputés pour leurs « Coveron », appellation cantabre qu’on peut traduire par « Grandes Cavités ». La cueva Fresca figure parmi ces dernières. Malgré ses 25 kilomètres explorés, et une jonction avec un gouffre du plateau (sima Tibia, SGCAF 1989) son origine restait énigmatique. A partir de 1986, le spéléo-club de Dijon, qui avait reconnu les grands axes de la cavité sur plus de 13 km, a commencé à prospecter l’extrémité ouest du massif afin de retrouver d’hypothétiques amonts. Ces recherches se sont effectuées dans les mêmes assises géologiques, sur les flancs de la vallée du rio Miera distante de plus de 9 km. La tâche n’était pas des plus aisées car les affleurements calcaires sont rares, souvent recouverts par d’abondantes moraines glaciaires, et les cavités accessibles sont souvent rapidement colmatées. Cependant, en 1988 l’une d’elles livre enfin un accès au karst profond : la cueva del Hoyo Salcedillo. Sur un plan spéléologique les recherches n’ont pas encore permis la jonction avec la Cueva Fresca mais il semble bien que désormais nous tenions là au moins une des clés permettant de mieux comprendre la karstogénèse locale.
L'entrée de la cueva del Hoyo Salcedilo sous la neige (avril 1994)
L’histoire de cette grotte commence lors d’une fin de camp pluvieuse en 1988. Comme trop souvent en Cantabria, une dépression a élu domicile sur le massif, réduisant à néant notre désir d’aller sous terre. Les effectifs s’évaporent alors rapidement, copieusement rassasiés par 4 km de première dans la cueva del Lobo. Nous ne sommes plus que trois P. et S. Degouve, G. Simonnot), et alors il nous vient l’idée d’aller prospecter de l’autre côté de la montagne sur le flanc d’une vallée (Rio Miera) sensiblement parallèle à celle du rio Ason. C’est dans cette dernière que s’ouvrent toutes les grandes « Coverons » du massif : cueva Coventosa, cueva del Agua, cueva Fresca ainsi que les principales résurgences. Et l’idée de traverser en sous-sol la montagne nous séduit suffisamment pour braver les intempéries et pour écouter les renseignements avisés des bergers locaux. L’un d’eux ne se trompe guère en nous indiquant une grotte qui «souffle un air glacial lorsqu’il passe devant avec sa mule». Le sentier qu’il nous indique serpente dans une lande pentue que le brouillard transformerait facilement en un paysage irlandais. Au bout du sentier il y a effectivement une grotte masquée par quelques blocs. Elle souffle et semble de dimensions confortables. Une courte désobstruction s’ensuit et en moins d’une heure la cueva del Hoyo Salcedillo sort de son anonymat. Nous progressons d’une cinquantaine de mètres jusqu’à un puits peu profond.
L'étroiture d'entrée était
masquée par quelques blocs.
Une courte désobstruction a permis d'accèder à une galerie
de belles proportions.
En avril 1989, une forte équipe se retrouve
à l’entrée de la grotte. Mais le résultat est déconcertant.
Le puits entrevu est totalement bouché. En effectuant une escalade
juste au-dessus de ce dernier, nous parvenons à retrouver le courant
d’air. Mais, après 300 mètres de progression dans de petites
galeries, nous le perdons de nouveau dans une salle chaotique. Les découvertes
étant plus prolifiques dans un massif voisin, nous prenons alors nos
distances avec la cueva.
Juillet 1990 verra de nouveau le trio d’origine réuni sous le
porche d’entrée. La motivation n’est pas à son comble
et la balade prend l’allure d’une simple visite de contrôle.
Muni d’un éclairage de plongée puissant nous scrutons
les parois de la salle et soudain, dans le faisceau lumineux apparaît
la première clef du réseau. Faut-il croire l’adage qui
dit que les plus belles découvertes sont toujours réalisées
le dernier jour d’un camp ? Toujours est-il qu’une vire encombrée
de blocs rapidement dégagés nous amène à un soupirail
derrière lequel la puissance de notre lampe affiche ses limites. Sans
que nous nous concertions, le décamètre est déjà
déroulé, et le sourire aux lèvres, nous commençons
à égrener la longue litanie des visées topos. Nous progressons
désormais dans une galerie gigantesque (20 x 20 m par endroits) que
nous parcourons sur plus de 1100 m. Une trémie et la rigueur du calendrier
scolaire font que nous en restons là pour cette année.
Méandre fossile vers la salle de l'Ibis Rouge (-148
m) . Cette salle est un carrefour important
vers laquelle convergent plusieurs affluents dont celui de Las Cabañas
qui provient de la dépression du même nom.
L’été suivant l’équipe
s’est considérablement étoffée. La première
a toujours des vertus fédératives. Petit à petit le réseau
dévoile sa complexité. Bien avant la trémie, quelques
puits nous font descendre d’un étage et bientôt nous déambulons
dans une série de méandres convergeant vers un grand canyon
où s’écoule une belle rivière. D’un commun
accord, nous l’appelons Javanaise pour ce refrain très présent
dans nos esprits depuis que le poète Gainsbourg nous a tiré
sa révérence. Mais pour l’heure, le ruisseau nous joue
un sale tour en s’enfilant sous une gigantesque trémie. Il y
a bien une lucarne, mais elle s’ouvre entre des blocs branlants ne demandant
qu’à s’effondrer. Alors nous envisageons plutôt de
contourner l’obstacle par le haut ce qui fera un bon objectif pour l’année
à venir. A la fin de l’été le réseau développe
déjà 3350 m.
En 1992, lors de notre séjour, les crues printanières limitent
l’accès à la rivière. L’exploration sera
donc plutôt orientée vers les amonts. A notre grande surprise,
le réseau est plus complexe qu’il n’y paraît. Ce
n’est plus un, mais plusieurs ruisseaux que nous remontons. La première
va bon train et ce sont encore près de 3 km de galeries qui viennent
s’ajouter au développement de la cueva.
La cueva del Hoyo Salcedillo présente une grande variété
de concrétionnement
et de cristalisations : aragonite, calcite, gypse, et la fameuse "neige
des cavernes".
1993 nous livre la seconde clef du réseau.
Ce mercredi d’avril nous montons avec la ferme intention de franchir
la trémie terminale. Dans nos bagages, nous emportons un perforateur,
de la corde, des amarrages en nombre et... Francis. Lui, c’est un roc
et l’élément minéral quel que soit sa taille ne
l’inquiète pas vraiment. Alors avant d’entamer l’escalade,
nous lui montrons la petite lucarne, comme ça, juste pour voir ! Francis
est d’un naturel plutôt réservé, il hoche la tête,
carresse la roche de ses gigantesques mains et commence à monter calmement.
Les hypocrites réserves que nous lui faisons se perdent dans le fracas
des chutes de pierres. Puis c’est le silence et j’entends encore
la voix de Francis nous dire d’un ton monocorde « c’est
grand ! ». Inutile alors d’attendre de sa part d’autres
commentaires. Une corde pend déjà et nous voici tous réunis
dans une belle galerie chaotique. Nous progressons encore de 600 mètres
jusqu’à la salle de l’Ibis Rouge véritable noeud
dans le réseau, et emplacement stratégique pour implanter un
bivouac.
Notre premier camp souterrain a lieu en été. De la salle, nous
reconnaissons un superbe canyon fossile qui portera le prénom d’un
second poète disparu : Léo. Les volumes deviennent impressionnants
et l’idée de jonctionner avec la cueva Fresca ne semble plus
du domaine de l’utopie. Parallèlement, nous explorons la rivière
Javanaise sur plus de 1700 m (-390 m). En fait, l’actif et le fossile
finissent par se retrouver pour ne former qu’un seul et unique canyon.
Les sorties se succèdent et à la fin de 1993, nous avons noirci
nos carnets de plus de 7 km de topographie. Au fond, à -480 m (4300
m de l’entrée) nous nous arrêtons sur un ressaut de quelques
mètres. Au bas, il y a un bassin profond et plus loin, le canyon, toujours
plus beau, toujours plus grand....
« Mardi 9 août 1994 : Cela fait déjà plus d’une heure que je suis éveillé mais je tiens à prolonger jusqu’au bout ce délicieux instant ou il ne se passe rien. Roulé au plus profond de mon hamac, je me plais à imaginer ce que sera la journée. Peu à peu les images se font plus nettes ; je revois notre terminus de l’été dernier, et mentalement je dresse une fois encore l’inventaire du matériel disponible. Soudain, la sonnerie lancinante de ma montre retentit, étouffée par l’épaisseur du duvet. Je sors mon bras afin que chacun l’entende. La réaction est presque instantanée. Là c’est un froissement de couverture de survie, ici c’est le grincement d’un pointeau suivi du claquement répété d’un allumage piezo. Les gestes sont hésitants car le portage de la veille a laissé quelques traces. En effet nous avons dû déplacer le bivouac et tout le matériel de progression sur plus de 2,5 km, entre -150 m et -350 m. A partir de l’entrée de la cavité, cela nous a pris près de 8 h, mais désormais notre campement est plus proche de l’endroit ou nous avons arrêté l’exploration cet été. De celui-ci, nous en conservons un souvenir très précis que nous avons eu le loisir de ruminer durant 9 mois. Un simple ressaut plongeant dans un lac profond avait stoppé net notre progression. A perte de lampe, le canyon (8 m de large et 30 m de haut) semblait ne plus vouloir s’arrêter et qui sait, peut-être allait-il nous mener tout droit dans la cueva Fresca »....
Le bivouac vers le Carrefour de l'Ixe (-385 m)
...« Curieuse impression que celle qu’on
éprouve en quittant le bivouac. Une seule nuit aura suffi à
donner une âme à ce monticule de sable et d’argile. Le
modeste refuge est déjà loin derrière nous lorsque nous
approchons de notre terminus. Le bassin a considérablement baissé
aussi, nous nous abstenons d’enfiler les pontonnières. De mon
sac, je brandis une superbe chambre à air emportée en prévision
d’une longue navigation.. Cela déclenche aussitôt une avalanche
de plaisanteries acerbes. Celles-ci redoublent lorsque Christophe parvient
à contourner l’obstacle par une petite vire scabreuse. Sans tarder,
les jeux de mots cèdent la place à l’action et nous voici
tous de l’autre côté du lac. Mais notre élan est
de courte durée. Devant nous une montagne de blocs forme un mur compact.
Les visages se ferment et alors que certains d’entre nous contemplent
béatement ce tas de cailloux d’autres cherchent désespérément
une suite en virevoltant dans tous les recoins de la galerie. Trente mètres,
nous n’avons progressé que de trente mètres.... A gauche,
la rivière s’enfile dans une galerie basse et siphonnante et
en face, le canyon semble complètement colmaté. En désespoir
de cause nous tentons une escalade. Cela prend du temps, la paroi est légèrement
surplombante et couverte d’argile. L’après-midi est déjà
bien avancé lorsque nous atteignons, trente mètres plus haut,
une salle bordée de trémies toutes plus compactes les unes que
les autres. De retour au bivouac, l’ambiance est plutôt maussade.
Toutefois, nous repérons un autre départ de galerie pouvant
court-circuiter la trémie que nous qualifions déjà de
terminale. Le lendemain donc, le programme débute par une nouvelle
escalade. Malgré un rocher délité, nous parvenons à
atteindre une grande galerie qui se dirige tout droit vers le fond. Nous progressons
désormais dans un tunnel fossile (15 x 15 m) qui nous permet d’avancer
au rythme de nos deux équipes topo. Malheureusement, 300 m plus loin
un gigantesque amas de bloc dégueule du plafond, mettant un terme à
notre enthousiasme naissant. Nous nous replions alors sur les galeries latérales
entrevues à l’aller. Soudain, en fouillant un diverticule, nous
observons un curieux phénomène. La galerie en cul de sac est
petite mais tapissée d’un dépôt blanc ayant l’aspect
du coton. Le simple dégagement de chaleur de notre éclairage
déclenche alors une véritable chute de neige qui ne s’interrompt
que lorsque nous quittons les lieux. Ce phénomène qui nous semble
très localisé va prendre des proportions invraisemblables dans
un réseau annexe que nous explorons sur le chemin du retour. Dans ce
dernier, nous rencontrons déjà d’étranges concrétions
visiblement désagrégées et qui pendent comme de longues
chevelures brunes et souples. Certaines d’entre elles mesurent près
d’un mètre de hauteur donnant une sinistre allure à la
galerie qui ressemble désormais aux chausse-trapes des châteaux
fantôme de fêtes foraines. L’apothéose du phénomène
survient dans la salle qui termine ce réseau. Alors que nous déroulons
le décamètre pour terminer la topographie, une véritable
«chute de neige» se déclenche, à tel point que nous
écourtons notre labeur, chaque flocon ayant la fâcheuse manie
de suivre nos aspirations et de finir sa course dans notre gorge ou nos narines.
Malheureusement, nous ne disposons d’aucun récipient pour ramener
des échantillons et nous ne conserverons de cette étrange apparition
que quelques clichés pris à la hâte avec un appareil jetable.
Une étude approfondie s’impose bien évidemment et alors
que nous regagnons le bivouac, nous commençons à échafauder
des hypothèses et bâtir de nouveaux projets de recherche, oubliant
un instant que la suite n’a toujours pas été découverte
»
Le lendemain nous découvrons encore d’autres galeries supérieures,
mais aucune d’entre elles ne permet d’aller plus loin en aval.
Au cours de ce séjour, nous ajoutons 2550 m à la topographie.
Depuis, d’autres bivouacs se sont succédés pour tenter
de franchir la trémie, et à ce jour, le réseau totalise
18,8 km de galeries (-532m). Certes, ce n’est pas terminé mais,
malheureusement, les chances de traverser la montagne s’amenuisent à
chacune de nos visites.
La cueva Fresca est à environ deux kilomètres de là et
une jonction entre les deux cavités constituerait un réseau
de plus de 50 kilomètres pour 800 m de dénivellation. Nous y
croyons bien sûr, et nous continuons épisodiquement les recherches.
Ici aussi, on peut rencontrer au détour d'une galerie, quelques bouquets d'excentriques dont certains à la blancheur immaculée.
La cueva del Hoyo Salcedillo constitue véritablement l'extrémité amont d’un gigantesque réseau qui déboucherait selon toute vraisemblance dans le val d’Ason, via la cueva Fresca. L’entrée s’ouvre au fond d’une dépression perchée occupée autrefois par un glacier dont la moraine, au-dessus du village de Valdicio, est encore très visible. Comme pour les cavités du Picon del Fraile ou de la Lunada, elle est localisée à la base d’une petite barre calcaire comprise dans une alternance calcaréo-grèseuse propice au creusement de grottes. Le pendage et la fracturation font le reste et on obtient en règle générale de beaux conduits qui s’enfoncent paisiblement sous la montagne...
L'entrée de la cueva vue de l'intérieure. Le conduit est tout
de suite spacieux.
La galerie d’entrée est confortable mais rapidement
les proportions s’amenuisent car elle se scinde en deux conduits superposés.
On les atteint par une vire surplombant un puits borgne d’une dizaine
de mètres de profondeur. A 215 m de l’entrée elles se
rejoignent au niveau d’un ressaut de 6 m.
Au bas, une vire (vire des Sexistes) rejoint la galerie d’Utrillo, gigantesque
tunnel qui donne enfin la véritable mesure de la cavité. Après
de grandes dalles effondrées le sol plonge dans un majestueux Canyon
que l’on domine de toute sa hauteur (25 m). A 450 m de l’entrée,
un important soutirage constitue l’accès principal aux réseaux
actifs (Ruisseau de la Dispendieuse, de la Queue de Cheval etc..).
Un peu plus loin, en rive gauche, deux orifices marquent le débouché
du réseau amont qui remonte à + 45 m en recoupant plusieurs
ruisseaux affluents. Au-delà de cette arrivée, la galerie d’Utrillo
perd de l’ampleur et se termine à 870 m de l’entrée
sur une vaste salle d’effondrement (Salle du Murmure ; -46 m).
A près une courte escalade dans un puits borgne,
la galerie d'entrée se divise en 2 conduits parallèles dont
l'un est orné de vieilles concrétions.
La suite du réseau se situe donc dans la galerie d’Utrillo,
au fond de l’imposant soutirage qui précède le débouché
du réseau amont. On rejoint assez rapidement un niveau gréseux
sur lequel s’écoule un ruisseau temporaire (ruisseau de la Dispendieuse).
Ce dernier traverse quelques élargissements ébouleux, puis,
après un coude bien marqué, la voûte s’abaisse et
le conduit prend la forme d’un laminoir de plus en plus bas. Par un
conduit supérieur ou par une série d’étroitures
sur le côté droit de la galerie, on accède à un
méandre parallèle.
Fossile au début, celui-ci recoupe un petit ruisseau (rivière
de la Queue de Cheval). Ensuite, 150 mètres de progression facile amènent
à un plan d’eau suivi d’un petit puits arrosé qui
peut devenir problématique en période de crue. Deux cents cinquante
mètres plus loin, dans un virage à gauche bien marqué,
il faut quitter le lit du ruisseau pour rejoindre une galerie supérieure
ébouleuse mais très confortable: la galerie du Boson Intermédiaire.
Le ruisseau de la Queue de Cheval quant à lui, subit le même
sort que celui de la Dispendieuse et disparaît dans des conduits rachitiques
orientés nord-est.
La galerie du Boson Intermédiaire est totalement sèche. Elle
rejoint un grand canyon au fond duquel coule une nouvelle rivière:
la Javanaise.
Incroyable bouquet d'aragonite, sorti de nulle part.
L’amont de la Javanaise se termine prématurément
sur une énorme trémie. D’après le report de surface,
on peut imaginer que cette rivière, empruntant une galerie déjà
importante, constitue le débouché de la galerie principale de
la cueva del Mortero (cf figure). La distance entre la trémie et le
terminus de cette cavité est d'environ 1200 mètres.
En aval, le canyon prend des proportions sympathiques (30 à 40 mètres
de hauteur pour 4 à 8 mètres de largeur à la base) qui
se maintiennent ainsi sur plus de 200 mètres jusqu’à une
trémie. Une cinquantaine de mètres avant, une corde permet de
gagner le haut du Canyon et de contourner tranquillement l'obstacle (puits
du Passe Muraille, 20 m). On reste ainsi dans la partie haute de la galerie
sur environ 150 m, jusqu'à une belle salle au bas de laquelle on entend
le bruit de la rivière retrouvée (salle de l'Ibis Rouge; 1700
m de l'entrée, -148 m)
Le ruisseau de la Javanaise en aval du carrefour de l'Ixe.
Après ce parcours chaotique, la salle de l'Ibis Rouge apparaît comme un véritable havre de paix. Ici tout invite au repos, des formes arrondies des parois qui dessinent de larges banquettes, jusqu'à la nature du sol parfois sableux ou couvert d'une argile fine et sèche. De plus, sa situation stratégique à une diffluence du réseau, en a fait un lieu idéal pour un bivouac. En effet, au bas de la salle, un puits de 17 m rejoint le cours actif de la Javanaise qui emprunte désormais un conduit moins spacieux et indépendant. En revanche, au niveau de la salle, le canyon se prolonge par un conduit entièrement inactif (Galerie du Gluon) qui rejoint la galerie Léo puis le Canyon Jaune.
Au bas du puits de 17 m, la rivière Javanaise emprunte un méandre très glissant creusé partiellement dans les grès. La rivière disparaît au-travers des éboulis et la progression se poursuit en montagnes russes. Plus en aval on déambule le plus souvent dans le lit du ruisseau, au contact des grès, jusqu'à une confluence qui marque un accroissement sensible de la taille des conduits (affluent Kazed; 2242 m de l'entrée; -243 m). On marche désormais dans un couloir presque rectiligne de 8 à 10 mètres de large pour autant de haut. Les éboulis n'entravent pas trop la progression et l'avance est rapide. Une zone plus petite, précédée par deux ressauts peut être contournée par une galerie supérieure. En aval de ce passage, à 3170 m de l'entrée, le profil de la galerie est typique des réseaux du secteur. La progression se fait le plus souvent en empruntant un méandre de voûte creusé dans les calcaires et qui serpente au-dessus d’un laminoir gréseux, noir et glissant. A -385 m (3440 m de l'entrée), le ruisseau disparaît dans un conduit noyé de petite dimension (salle Brune) et c’est par une petite galerie perchée qu'on accède au carrefour de l'Ixe qui marque la jonction avec la galerie Léo et le Canon Jaune (ressaut de 5 m).
La rivière Javanaise coule sur un niveau de grès
qu'elle a parfois du mal à entailler.
Il en résulte des laminoirs pénibles. Heureusement, par endroit,
on peut les contourner
par d'agréables galeries fossiles creusées dans les niveaux
calcaires.
En restant au niveau de la salle de l'Ibis Rouge on arrive
dans une galerie rectiligne creusée telle un véritable coup
de scie C'est la galerie du Gluon qui rejoint l'affluent de las Cabanas avec
lequel elle conflue pour former la galerie Léo.
A partir de cet endroit, la galerie Léo prend progressivement de l'ampleur.
Après quelques passages effondrés, le conduit se divise au niveau
d'un puits (puits du Lilas, 30 m). C'est au fond de ce dernier qu'il faut
désormais progresser. Trois cent cinquante mètres plus loin,
l'on débouche dans un conduit plus vaste formé par la confluence
de la galerie Léo, par laquelle on arrive, et l'affluent de Pizarras
venant de l'ouest (2846 m de l'entrée, -224 m). Notre goût pour
les nuances et l'approche du Canon Rouge de la cueva Fresca sont à
l'origine du nom de cette galerie : le canyon Jaune...
Le canyon Jaune qui devient Orange après
le carrefour de l'Ixe
n'a déjà pas grand chose à envier aux grandes galeries
de la cueva Fresca.
La hauteur atteint par endroit plus de 40 m et vers le fond,
des niveaux étagés s'empilent sur plus de 70 m de dénivellation.
La progression n'est pas toujours très commode au milieu
des blocs effondrés et plusieurs équipements ont été
nécessaires pour le franchissement d'une vire et de plusieurs ressauts.
Globalement les proportions restent importantes (8 à 10 m de large
pour autant de haut). A 3350 m de l'entrée (285 m) après un
chaos de gros blocs et un ressaut de 5 mètres, un éboulis très
pentu débouche dans une belle salle oblongue au fond de laquelle coule
un ruisseau (salle du Vertige). En aval la morphologie devient moins tourmentée.
Les remplissages argileux anciens sont plus épais et forment des talus
successifs au travers desquels serpente le ruisseau. Progressivement, les
dimensions s'amenuisent et bientôt, le conduit se divise et une zone
de trémies se présente (carrefour des Aiguilles de Gypse, 3767
m de l'entrée, -348 m). Mais alors que tout semble bien compromis,
une lucarne livre l'accès à la salle de l'Hermine, début
de l'une des parties les plus étoffée de la cavité.
En aval de la salle de L'Hermine il faut remonter un premier éboulis
qui nous amène dans un second élargissement. Puis, une autre
montée tout aussi ébouleuse nous sépare de la salle du
Léopard au fond de laquelle le conduit prend la forme d'un imposant
canyon large de 7 à 8 mètres pour une hauteur indéterminée.
Si la morphologie semble s'apparenter à un véritablement trait
de scie, il n'en est pas de même de la progression qui doit s'effectuer
dans des surcreusements à la base du canyon. C'est dans l'une de ces
circonvolutions que nous avons par ailleurs installé notre second bivouac.
Il est à noter que, par endroits, les plafonds et les banquettes sont
ornées de bouquets d'aragonite aux formes tout aussi étranges
que variées. A 4300 mètres de l'entrée, en suivant le
fond du canyon, on parvient à un carrefour très caractéristique
(Carrefour de l'Ixe). Au nord, une galerie basse et concrétionnée
marque l'arrivée du réseau de la rivière Javanaise. Désormais,
les deux conduits vont se confondre en un immense canyon (Canyon Orange) étagé
sur plus de 50 mètres mais dont on ne discerne pas encore l'ampleur.
Il est à noter que pour parvenir à ce carrefour, il est plus
commode et surtout plus rapide de passer par le ruisseau de la Javanaise qui
permet une économie de 800 mètres de progression.
Il débute au carrefour de l'Ixe, à partir de la confluence des deux réseaux. La galerie à cet endroit est de taille humaine, et il nous semble avoir perdu une bonne part du volume. Cependant, il n'en est rien, et pour s'en convaincre, il suffit de grimper dans les hauteurs du méandre. De là, on trouvera le départ du réseau Williams qui représente une ancienne phase de creusement au tracé tortueux et parfois indépendante des conduits actuels.
Plusieurs niveaux supérieurs doublent
le Canyon Orange.
Ils communiquent avec lui par des puits et des conduits intermédiaires
qui traduisent une génèse assez complexe.
En suivant le fond du méandre, on rejoint assez rapidement un actif
(rivière Javanaise) que l'on recoupe à plusieurs reprises. Bientôt
celui-ci s'écoule sur une large dalle gréseuse. Le plafond s'abaisse
et il faut ramper. Juste avant, une diaclase sur la droite, parsemé
de gros blocs, conduit à un petit soupirail concretionné. Celui-ci
franchi, on se retrouve sur un balcon qui borde un vide important (-425 m,
3850 m de l'entrée). A cet endroit précis, on récupère
presque l'intégralité du volume initial. Le réseau Williams
est juste au-dessus du balcon et communique par un puits de 40 m. La suite
est évidente. Après avoir descendu un puits de 20 m pour prendre
pied au fond du Canyon, on retrouve l'actif qui cascade sur le côté
droit de la galerie. Afin d'éviter des bassins profonds il est nécessaire
d'emprunter ensuite un passage obligeant à remonter dans le haut du
méandre pour redescendre presque aussitôt par un ressaut de 8
mètres. Au point le plus haut de ce contournement, une petite lucarne
communique avec une autre branche du réseau Williams : la salle de
la Mutante. Trois cents mètres après avoir retrouvé le
canyon, on parvient à une salle ébouleuse. En levant la tête,
on aperçoit à une vingtaine de mètres de hauteur, un
grand porche qui dédouble la galerie. C'est l'accès au réseau
des Neiges Eternelles. Juste en dessous, une petite vire sur la gauche rejoint
une galerie plus modeste permettant de contourner un siphon qui barre la rivière
à une soixantaine de mètres en aval. Derrière cet obstacle
(P.6), le canyon traverse une dernière salle ébouleuse, puis
marque un virage à angle droit (vire au-dessus d'un bassin) et vient
buter sur une trémie. Le ruisseau, quant à lui, disparaît
dans un siphon bas au fond d'une courte galerie latérale. Nous sommes
à 4400 m de l'entrée (5250 m si l'on passe par la galerie Léo)
et -487 m. En escaladant au sommet de la trémie on parvient à
une salle très pentue (salle Barbara) barrée par un mur de blocs
et de remplissages divers.
Au-dessus du Canyon Orange, le réseau Williams zigue-zague en fonction des caprices de la fracturation. Bien que très chaotique, la galerie laisse entrevoir d'impressionnantes formes de galerie qui ne laisse guère de doute sur l'importance de ce drain majeur que constitue la cueva del Hoyo Salcedillo.