En attendant un compte rendu plus détaillé des activités de l’été, voici un petit bilan des dernières explorations dans la torca del Pasillo et de la jonction réalisée entre cette dernière et l’extrémité de la torca del Canto Encaramado.

Pour mémoire, la torca del Pasillo était probablement connue des spéléos de Tortosa qui avaient marqué un gouffre dans la même doline. Guy Simonnot la redécouvre en 2009 et des travaux de désobstruction au bas du puits d’entrée débuteront en 2010. Ceux-ci vont assez rapidement permettre la découverte d’une zone de puits complexe recoupant un labyrinthe de petites galeries étagées (labyrinthe de los Pimientos) qui vont nous occuper un moment. Ce n’est qu’en juin 2011, après une dizaine de sorties passées à démêler l’imbroglio de galeries que nous tombons finalement sur ce qui semble être un drain plus important. Des traces d’écoulement et un courant d’air magistral nous indiquent la voie à suivre. En 3 sorties nous explorons la galerie des Indignés sur plus de 1400 m.

La galerie des Indignés vers -240 m

A son extrémité amont, nous recoupons une rivière en plusieurs endroits séparés par des siphons. Le franchissement d’une trémie délicate et instable va nous permettre de gagner encore quelques dizaines de mètres jusqu’à un ultime siphon et une trémie ventilée. Le report topo nous indique alors que nous ne sommes plus qu’à une vingtaine de mètres seulement de l’extrémité aval du collecteur de Canto Encaramado exploré par nos amis du Secja, du Spekul et leur collectif. Il ne restait plus qu’à concrétiser la jonction…

L'arrivée sur le collecteur, peu avant le siphon.

Samedi 11 août 2012 :

La sécheresse étant bien marquée, les conditions s’avèrent parfaites pour réaliser la plongée. Nous sommes donc 5 ce matin pour acheminer les deux bouteilles de 4 l et tout le matériel de Ludovic qui sera notre plongeur (G. Aranzabal, P. Degouve, L. Guillot, J.N. Outhier, B. Pernot).  Gotzon, fidèle explorateur du Pasillo est de la partie et son aide musclée nous sera bien utile. La progression est un peu plus lente qu’à l’accoutumée et il nous faut bien 4 heures pour atteindre le siphon.

Le parcours en montagnes russes est aussi agrémenté de bassins glaiseux pas toujours évidents à éviter.

Le niveau est très bas et l’eau, cristalline. Nous nous installons près du siphon car du coup, il y a plus de place, de grandes dalles étant exondées. Par contre, nous ne sommes pas à l’abri du courant d’air, toujours aussi fort et qui sort d’une fissure impénétrable. Ludo s’équipe et déjà nous voyons ses lampes disparaître dans ce magnifique conduit noyé.

Ludo se prépare à plonger. Il dispose de 2 bouteilles de 4 litres et une bonne centaine de mètres de fil.

En plus des 100 m de fil, il dispose d’une corde de 20 m que nous avons récupéré au passage, au cas ou la plongée serait plus longue que prévue. En fait, arrivé en bout de corde, Ludo entrevoit déjà le miroir de l’autre extrémité du siphon et il déroule son fil juste pour sortir de l’eau.

Alors ?????

Très rapidement il tombe sur une corde (main courante) posée par l’équipe du Secja. La jonction est donc faite et pour apporter une preuve, il coupe l’extrémité de la corde qu’il nous brandit, à peine sortie de l’eau. Il ne nous reste plus qu’à plier bagage. Il n’y a pas de champagne, mais le coeur y est. Au passage de la trémie, quelques blocs instables glissent de façon alarmante et nous ne serons pas mécontent de ne plus la franchir. Il nous faut encore 4 bonnes heures pour revoir le jour. Le réseau de l’alto de Tejuelo dépasse désormais les 110 km et prend la seconde place des cavités espagnoles.

Ludo et son trophée...

Jeudi 16 août 2012

Le but de cette sortie est d’essayer de prolonger l’aval de la galerie des Indignés car si désormais, nous pensons qu’il y a peu de chance pour que le collecteur de Canto ressorte à la Cubrobramante, il reste encore beaucoup d’incertitudes sur sa destination finale. L’équipe est plus restreinte (P. Degouve, L. Guillot, B. Pernot)  et la journée débute assez mal, car arrivés à l’entrée du Pasillo, Patrick s’aperçoit qu’il a oublié sa combinaison. Il n’est déjà pas très tôt et un aller-retour à la maison nous fait rentrer dans le trou à 12 h. En 1 h 30 nous sommes à la trémie en aval du P.7.  Le courant d’air est déjà très fort et nous constatons qu’une bonne partie file dans les deux niveaux de la trémie. Nous fouillons donc bien le chaos de blocs mais celui-ci reste très compact.  Ayant épuisé le secteur nous partons en direction du fond. Il y a aussi beaucoup d’air et celui-ci semble monter en puissance. Nous visitons la branche de gauche (Nord), mais, il s’agit visiblement d’un amont et le courant d’air est quasiment inexistant. Ce dernier emprunte la branche de droite. En continuant en bas du conduit, au-delà de l’arrêt topo, nous nous heurtons à une trémie. Pendant ce temps, Bruno est remonté dans une galerie dont l’exploration n’avait pas été terminée. Rapidement il se retrouve dans un beau conduit, suite logique de la galerie des Indignés.

La galerie des Indignés avant la première trémie à - 245 m

Tout le courant d’air est là. Nous le rejoignons en démarrant la topo, nous avons donc dépassé la trémie et désormais, tout est permis. La galerie est toujours aussi belle, déchiquetée et lavée par les crues. Malheureusement l’enthousiasme ne dure pas et 50 m plus loin, une nouvelle trémie barre le passage. C’est la même qui nous avait arrêtés dans la galerie du bas et des escalades dans des conduits supérieurs se heurtent au même obstacle. Peu avant, une galerie latérale argileuse aspire une partie de l’air. Nous l’explorons de fond en comble. Les conduits sont rarement confortables, tapissés d’argile plus ou moins liquide, et après avoir rampé sur près de 250 m, il faut se résigner, ce n’est pas par ici que nous passerons. Nous revenons en complétant la topo, en amont, jusqu’à retrouver l’envers de la première trémie, puis commençons à entamer le retour. Un petit coup d’œil dans le méandre où on entend le bruit d’un ruisseau, nous confirme qu’il sera bien difficile de l’atteindre, le conduit étant strictement impénétrable (courant d’air soufflant). Il nous faudra près de 3 h pour ressortir. Dehors il fait nuit.

A l’issue de ces deux explorations, le réseau totalise un développement de 110 445 m, mais au-delà des chiffres, la jonction avec le Pasillo nous éclaire un peu plus sur les circulations dans ce réseau complexe dont l’exploration semble bien loin d’être terminée.

Informations : P. Degouve et G. Simonnot

Photos de B. Pernot