La météo exécrable de ce mois d’avril n’a bien sûr pas épargné la Cantabria. Lorsque nous arrivons, le 13 avril, cela fait déjà près de 3 semaines qu’il pleut sans interruption et les annonces météo ne sont guère optimistes. Nos explorations, initialement prévues à la torca Aitken vont donc se transformer en un bivouac improvisé à la Gandara. Les objectifs évidents ne sont pas très nombreux, mais voilà une bonne occasion de lever quelques interrogations dans le secteur sud du réseau. Nous allons donc élire domicile au bivouac 2, le mieux placé pour rejoindre le fond du canyon des Quadras. Au programme, escalade et désobstruction, ce qui implique que nous emportions un perfo, des pailles, masse, burin et du matériel d’escalade.
Dimanche 15 avril 2012 : 1° jour de bivouac :
Participants : D. Boibessot, P. et S. Degouve, Ch. Philippe
Les sacs sont bien chargés. Nous entrons dans la cavité vers 11 h sous la pluie. En altitude, il neige et cela est préférable pour échapper à une grosse crue de printemps. Dans les galeries d’entrée, l’eau coule de partout et juste au-dessus de la vire du puits de l’Ours, une cascade nous permet de repérer un beau porche à une quinzaine de mètres de hauteur. Nous y reviendrons plus tard. Dans la salle Angel, la cascade coule abondamment mais sans plus. Plus loin, un coup de phare dans les regards sur el Contra Rio nous indique que le niveau de la rivière n’a pas monté. Nous parvenons au bivouac vers 15 h après avoir fait quelques photos dans l’amont de la galerie de Cruzille. Il reste un peu de temps et nous en profitons pour revoir en détail la galerie de la Valve et l’extrémité de la salle du Muguet. Quelques diverticules sont explorés mais rien de transcendant au bout du compte.
2° jour de bivouac :
Réveil vers 7 h. Nous quittons le bivouac vers 8 h 30. Le ruisseau qui nous permet de rejoindre les Quadras coule plus que la veille. Cela nous incite à regarder de plus près les niveaux de crue. Dans la grande galerie, les traces de pas ont disparu et nous n’en retrouvons qu’à proximité de la corde venant du court-circuit. Plus loin, au bas du puits de 20 m, le sable est parfaitement lisse. Nous allons rapidement voir le niveau de la rivière qui est quasiment normal. Le froid en altitude en est certainement pour quelque chose. En amont, nous ne retrouvons des traces de pas qu’une centaine de mètres plus loin soit une mise en charge d’environ 25 m au-dessus du niveau d’étiage. Dans de telles conditions, le canyon est entièrement noyé à partir du puits de 20 m. Ce scénario, qui ne semble pas d’actualité, doit se produire lorsque la fonte nivale se conjugue avec de fortes pluies sur l’ensemble du bassin d’alimentation. Dans ce cas, une bonne partie des galeries actives situées sous l’altitude 630 m se trouvent affectées par la montée des eaux (Rio Viscoso, Contra Rio, Rio en Calma, collecteur aval etc…). Mais certaines galeries fossiles (galerie de Cruzille au niveau des regards sur le Contra Rio) peuvent également être partiellement inondées (témoignage Antonio).
Notre premier objectif est la désobstruction au fond de la salle…. Après quelques hésitations nous finissons par retrouver le puits qui permet d’y accéder.
Contrairement à nos précédentes visites, le courant d’air n’y est pas très violent. Au bas, le décor est un peu différent de celui que nous imaginions. Au point bas de la salle, on entend nettement le bruit d’un ruisseau et un net courant d’air est perceptible, mais la nature du chantier est beaucoup moins idyllique que ce que nous pensions. Là où nous n’avions vu qu’un tas de cailloux faciles à enlever, nous retrouvons un abominable château de cartes formé par un empilement de grandes dalles à l’équilibre précaire. Bien sûr, l’hypothétique passage à désobstruer se trouve au point bas et en plus, rien ne permet d’envisager un élargissement. Pas question d’y aller à la masse pour le moment. Nous prélevons délicatement quelques cailloux et d’un commun accord, nous convenons qu’entamer une désobstruction à cet endroit serait suicidaire. Pour clore le débat Christophe nous annonce qu’il vient de voir une des grosses dalles formant la voûte, glisser de quelques centimètres. Du coup, nous nous mettons à fouiller tous les recoins de la salle dans le but d’atteindre par un autre endroit la fameuse rivière. Cela tourne vite à l’acharnement thérapeutique et le moindre interstice est inspecté, forcé avant d’être finalement abandonné. Dans la partie haute de la salle, nous trouvons quand même une petite cheminée qui rejoint un boyau puis une diaclase remontante mais communiquant avec des galeries connues. Nous abandonnons et avant de rentrer au bivouac, nous fouillons une nouvelle fois le secteur où arrive la galerie de la Fronde.
3° jour de bivouac :
Départ 8 h 45. L’objectif du jour n’est guère emballant, mais il fait partie de ceux qui alimentent sans cesse les discussions et qu’il faut faire absolument au risque de toujours le regretter. Cette fois ci, il s’agit d’effectuer une escalade dans un diverticule situé juste à côté de la trémie terminale de la galerie du Petit Baigneur.
L’accès via le canyon des Quadras est assez rapide. Le niveau d’eau semble stable et nous passons la voûte basse sans trop d’appréhension mais non sans avoir estimé la hauteur des mises en charge à cet endroit.
C’est Christophe qui se lance dans l’escalade. Le rocher est absolument pourri et l’orifice à atteindre est occupé par un gros bloc qui pend à moitié dans le vide. Pour cela, il commence à grimper à l’écart des chutes de pierres sur la paroi la plus saine. Une bonne demi-heure plus tard, après un petit vol contrôlé et une bonne purge de cailloux, il s’arrête au milieu d’un chaos de blocs sans suite. Déséquipement et consternation, cela fait deux choux blancs, nous n’allons quand même pas ressortir sans avoir ouvert le carnet topo.
Par manque d’objectif, nous envisageons même de regagner la surface un jour plus tôt. Mais voilà, à la Gandara, les découvertes se font rarement là où nous les attendons.
Alors que nous revenons tranquillement en faisant des photos, nous trouvons un départ en hauteur facilement atteignable. Un petit lancer de corde sur une lame et quelques minutes plus tard Christophe parvient à atteindre le porche d’une galerie de petite dimension. Après une rapide reconnaissance, il nous annonce qu’il y a plusieurs boyaux à voir avec un peu d’air. Nous le rejoignons et effectivement nous explorons plusieurs conduits souvent étroits. L’un d’eux souffle un peu mais se termine sur un rétrécissement abrasif. Bien sûr le matériel de désobstruction est resté au bivouac et nous n’avons pour agrandir le passage, qu’un marteau et un petit burin. Dom finit par s’enfiler dans le passage et franchit 3 étroitures avant d’atteindre un conduit plus grand. Christophe essaie de le suivre mais ne parvient pas à passer. C’est donc très étroit. Nous nous relayons pour buriner et au bout d’une demi-heure, il parvient à franchir l’obstacle. Compte tenu de ma taille, je préfère leur confier le matos topo pour qu’ils commencent l’explo pendant qu’avec Sandrine nous allons continuer d’agrandir le passage. Il nous faudra plus d’une heure et demie de travail pour enfin pouvoir passer. Nous retrouvons alors nos deux compères qui reviennent en topographiant.
La galerie continue en s’agrandissant et ils se sont arrêtés sur un carrefour. Nous y retournons et progressons en faisant suivre la topo comme à l’accoutumée. Après quelques passages plus petits, la galerie vire vers le sud ouest et prend la forme d’un grand méandre de 2 m de large sur une bonne dizaine de mètres de hauteur. La plupart du temps, nous progressons en opposition sur des banquettes, mais rien n’entrave véritablement la progression. Nous cheminons ainsi sur plus de 760 m et nous nous arrêtons sur une zone de blocs effondrés qui semble ponctuelle. Au retour il nous faut topographier la zone étroite avant de rejoindre le bivouac vers 22 h.
4° jour de bivouac :
Nous n’avions prévu que 3 jours de bivouac et notre stock de nourriture est épuisé. Retour tranquille à la surface. Dehors, il pleut toujours, mais nous nous en doutions car les cascades de la salle Angel étaient, cette-fois-ci, particulièrement spectaculaires.
Jeudi 19 avril 2012 :
Participants : D. Boibessot, P. et S. Degouve, Ch. Philippe
Il pleut toujours et finalement, la Gandara est un bon refuge pour les intempéries durables. Cette fois, c’est tout près de l’entrée que nous nous rendons. Lors de notre bivouac, nous avions repéré un départ au-dessus de la vire du puits de l’Ours. L’objectif semble facile et avec le perfo il ne devrait pas y en avoir pour longtemps. Avec Christophe, nous nous relayons pour atteindre le porche, 15 m plus haut.
Au sommet, il y a bien une galerie, parcourue par deux ruisseaux temporaires. Le premier sort d’une petite cheminée arrosée et le second d’un méandre impénétrable. Mais, juste à côté, une jolie galerie semble se prolonger. Malheureusement, au bout de 20 m, une trémie nous barre le passage. Pourtant, on distingue un petit trou noir. Cela est bien suffisant pour que nous attaquions une désobstruction. Nous ne disposons que d’un marteau et le remplissage en partie calcifié est particulièrement coriace. Il ne nous faudra pas moins de 3 heures pour parvenir à passer. Nos épaules s’en souviennent encore. Derrière une galerie basse occupée par une coulée stalagmitique aux allures de crème pâtissière est rapidement parcourue. Vingt mètres plus loin, nous nous redressons dans une rotonde au sol pâteux. La suite est une diaclase rapidement obstruée par de l’argile. Le résultat est bien maigre. Toutefois, il reste bien la petite cheminée arrosée à voir. Nous n’y croyons pas du tout et forcément, il faut quelqu’un de courageux, de téméraire et contre toute attente ce discours fait démarrer Christophe au quart de tour. Avec Dom, nous avons à peine le temps d’échanger un sourire narquois que Christophe est déjà sous la douche en train de s’enfiler dans un conduit étroit et franchement humide. Un court silence nous fait craindre le pire ; et si ça continuait… Heureusement l’acte de bravoure ne dure pas et Christophe ressort trempé de son escalade sous nos applaudissements quelque peu ironiques. Nous en resterons là pour aujourd’hui. L’affaire est classée et la Gandara développe désormais 107 680 m.
C.R. Patrick Degouve
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