Participants : Dominique Boibessot, Patrick et Sandrine Degouve, Laurent Garnier, Christophe Philippe.
Dimanche 10 avril 2011
Il a fait un temps splendide durant presque toute la semaine et le jour où nous voulons entrer dans la torca Aitken, il tombe des seaux d’eau. Le réveil est donc assez tardif et nous envisageons déjà de changer d’objectif car personne ne souhaite arriver trempé au bivouac. Une désobstruction dans la vallée et à l’abri semble donc plus raisonnable. Vers 13 h, alors que nous préparons masses, burins et perforateur, la pluie marque une pause et le ciel tend à s’éclaircir. Nous n’hésitons pas longtemps pour changer à nouveau d’avis et une heure plus tard, nous sommes sur le sentier menant à Aitken, lourdement chargés mais ravis de cette trêve météorologique. Le ciel reste très menaçant mais nous entrons dans la torca sans avoir essuyé une seule goutte. La descente des puits est rapide et dés que nous sommes dans les grandes galeries, nous cherchons un endroit de bivouac. Il n’y en a pas 36 car les conduits sont très chaotiques et les rares endroits sablonneux sont balayés par un fort courant d’air. Nous optons pour un secteur concrétionné ou une large coulée offre quelques endroits plats qu’il faut choisir minutieusement en évitant les petits cratères formés par les gouttes tombant du plafond. Comme il nous reste un peu de temps, nous décidons d’aller voir le beau départ en contrebas de la grande salle et qui pourrait se diriger vers le Cotero. Il y a bien un conduit, mais celui-ci devient rapidement très labyrinthique et il ne se dégage pas vraiment d’axe principal. Nous topographions environ 135 m de galerie mais il reste beaucoup de départs à voir.
Lundi 11 avril 2011
La nuit a été assez mouvementée pour certains, car dehors il a du pleuvoir copieusement et toutes les pisserottes à l’origine des jolis concrétions qui nous entourent se sont mises à couler. Chacun s’est protégé comme il a pu, mais pour Christophe le bail a été rompu devant la piscine qui menaçait d’occuper son lit, et il devenait urgent de changer de logement. L’immobilier n’est plus ce qu’il était… Pour cette première journée, nous devons impérativement commencer par l’amont, car une partie de notre matériel est au puits des Yeux noirs. L’accès y est assez rapide et l’obstacle est vite équipé car 2 goujons avaient déjà été plantés lors de notre précédente venue. Dix neuf mètres plus bas, nous débouchons dans une belle galerie, malheureusement, la suite est plutôt en aval. L’amont remonte vers la galerie d’accès et se heurte à une trémie. Ce beau conduit ne tarde pas à se dédoubler et nous devons remonter d’un cran pour éviter une zone de trémies que, finalement nous retrouvons plus loin au niveau d’un beau miroir de faille incliné à 45°.
Nous écumons les galeries latérales qui n’offrent également rien de bien terrible. Nous changeons de secteur pour aller revoir une galerie encombrée d’éboulis et dans laquelle Yann s’était un peu égaré cet été. Nous comprenons rapidement le pourquoi de la chose. Finalement à force de tourner en rond, nous trouvons une galerie à peu près rectiligne mais cinquante mètres plus loin nous tombons sur des traces. Nous venons de jonctionner avec la galerie du Mur de Sable. Qu’à cela ne tienne, il reste des choses à voir dans le secteur et nous enchaînons en faisant suivre la topo. Encore une petite centaine de mètres et nous retombons dans la galerie des Yeux Noirs. Nous revoyons quelques derniers points d’interrogation et rentrons tranquillement au bivouac avec le sentiment d’avoir tourné en rond pendant près de 9 heures… Ce soir Christophe inaugure un nouveau duplex.
Mardi 12 avril 2011
Les pisserottes ont encore bien coulé cette nuit, mais tout le monde est resté au sec. Cette-fois-ci, nous partons vers l’aval pour désobstruer l’étroiture terminale. Le cheminement reste assez long et pénible par endroits. Dans la galerie du Poulpe, les bassins, simplement boueux en été, se sont remplis et sans la présence d’une vire facile, nous n’aurions pas échappé à la baignade. Au fond, l’étroiture paraît un peu plus longue que prévu mais les pailles sont assez efficaces et après 3 ou 4 tirs, l’obstacle est franchi. Mais deux mètres plus bas, un nouveau resserrement nous barre l’accès à un puits estimé à 4 ou 5 m. Nouvel assaut rendu difficile par la qualité très médiocre de la roche. C’est le dernier tir et ça devrait passer mais au moment de brancher la pile il ne se passe rien. Patrick peste contre Sandrine qui a préparé les pailles. Il va falloir y retourner, percer à nouveau et les batteries sont presque vides. Personne ne dit rien, d’ailleurs, il ne se passe toujours rien. Cinq minutes plus tard Patrick ressort un peu penaud » heu je crois que j’avais oublié de brancher la ligne… ». Ça passe enfin et nous nous ruons dans le petit conduit qui s’ouvre juste derrière le chantier. Christophe est déjà en train d’équiper un puits de 10 m. Chacun y va de son appréciation sur sa façon de procéder : « moi j’aurais pas mis le spit là », « j’ai l’impression que ça frotte », « il est bizarre ton nœud ». C’est particulièrement énervant mais cela n’a pas l’air d’atteindre Christophe qui est déjà au bas du puits. Nous retrouvons une assez belle galerie parcourue par un bon courant d’air qui provient de la trémie que nous venons de dépasser. En aval, un nouveau puits de 6 m, légèrement arrosé est équipé de façon un peu spartiate, mais plus personne ne trouve à y redire. Malheureusement, le fond n’est guère enthousiasmant. Le gros du courant d’air s’enfile dans une trémie que nous n’osons pas trop toucher. Le reste part dans un méandre étroit. Un ressaut de 3 mètres et un bout de galerie bouché par des blocs mettent un terme à notre explo. De ce côté, il ne reste donc plus que l’escalade de la salle terminale à revoir. Mais il est déjà tard, et nous préférons commencer à nous rapprocher du bivouac en ratissant les quelques départs que nous n’avons pas encore explorés dans la galerie du Poulpe. Il s’agit principalement de galeries supérieures qui doublent la galerie principale. Ce n’est donc pas par là que nous trouverons la galerie fossile que nous avons perdu plus en amont. Aujourd’hui nous n’avons progressé que de 250 m. Cela ne satisfait pas Dom et Christophe qui, une fois parvenus au bivouac, vont fouiller l’éboulis qui occupe la galerie. Cela paraît un peu illusoire, mais au bout d’une heure, nous commençons à nous poser des questions. Finalement, vers 20 h ils reviennent avec un large sourire. Entre les blocs il y avait bien du vide mais en insistant un peu, ils sont finalement tombés sur quelque chose qui ressemblait à une galerie, avec de vraies parois et un vrai plafond. Plus bas le conduit a pris un peu d’ampleur et finalement, ils se sont arrêtés au sommet d’un puits qui perce le plafond d’une imposante galerie. L’objectif pour le lendemain est tout trouvé.
Mercredi 13 avril 2011
Il ne doit plus pleuvoir car les cascatelles se sont faites plus discrètes. Christophe à regagné sont premier appartement. Nous démarrons la topo du bivouac vers 9 h, c’est cool. Le cheminement est effectivement assez complexe : chapeau à nos deux compères. Au bout de 150 m de tord boyaux, nous parvenons au sommet du fameux puits. Six mètres plus bas, nous sommes effectivement dans une belle galerie, bien ventilée, avec amont et aval. Nous choisissons l’aval qui semble plus gros. Le conduit fait bien 10 m de large et rapidement nous croisons de beaux départs latéraux que nous nous réservons pour plus tard. En suivant le plus évident, nous faisons une première boucle qui nous ramène à notre point de départ. Puis nous empruntons un conduit très chaotique dans lequel la progression n’est pas toujours facile. Celui-ci remonte peu à peu et bientôt, nous sommes bloqués par une trémie. Au plafond, il y a bien ce trou noir qui laisse espérer du »gros ». Laurent parvient à contourner l’obstacle et revient dix minutes plus tard « il y a un cairn ». Ca casse un peu l’ambiance et après avoir fait le bouclage topo, nous nous apercevons que ce beau conduit double la galerie principale. Nous explorons les galeries latérales sans grand résultat, puis filons vers l’amont. Le courant d’air y est très net et 80 m plus loin nous parvenons dans une salle assez vaste (20 m x 20 m) percée de plusieurs puits. Elle se prolonge par deux galeries. En bas, la première se termine sur trémie. La seconde se trouve au sommet de la salle et remonte très nettement en direction de la galerie amont. Nous nous sommes arrêtés au bas d’une escalade de 5 m. Certes, nous avons ajouté un bon kilomètre de galerie, mais cette découverte ne nous ouvre pas de nouveaux horizons. Il est 20 h 30 quand nous revenons au bivouac, un peu dépités…
Jeudi 14 avril 2011
Les objectifs se font plus rares et nous décidons d’aller revoir la galerie des 13 nœuds, découverte le premier jour. Cela tourne un peu au cauchemar car après être entrés par un nouvel itinéraire, nous retombons sur un enchevêtrement de galeries qui se développent dans un mouchoir de poche sur 20 à 30 mètres de dénivelée. La topo devient presqu’inutile car nous ne savons jamais si nous sommes dans les éboulis de la salle voisine ou dans de véritables conduits. Nous y passons une bonne partie de la matinée. Pour changer, nous allons inspecter le côté droit de la galerie principale en aval de la précédente. Il y a là un beau puits remontant, mais en y regardant de plus près, il y a également un méandre qui remonte de façon très raide et qui semble apporter pas mal d’air. Nous le remontons sur près de 40 m avec des pentes à plus de 50°, mais à la fin nous parvenons à la base d’un puits, bien vertical celui-là. Nous sommes en début d’après-midi, nous avons largement le temps de ressortir cet après-midi. Retour au bivouac, pliage, rangement et nous mettons les voiles.
Nous sommes dehors vers 17 h, il fait beau et ce soir nous dormirons sans les pisserottes. Le développement d’Aitken passe à 7700 m.
C.R. Patrick Degouve
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